Depuis l’émergence de plusieurs économies asiatiques dans les années 1980 et 1990, de nombreux chercheurs à l’esprit ouvert se demandent comment interpréter cette « émergence » et s’interrogent sur la place de la Chine dans le monde. S’agit-il d’une « menace » contre la domination des pôles majeurs de l’économie-monde que sont/qu’étaient l’ALENA et l’UE? S’agit-il d’un « remplacement » de l’Occident, traditionnellement considéré comme le point de départ du Progrès, de l’industrialisation, de la civilisation et du capitalisme depuis les Lumières, Marx et Hegel? S’agit-il d’une « transition » d’un cycle hégémonique européen puis américain à un cycle indien ou chinois? Certains historiens, maîtres de la notion de « système-monde » et approfondissant leurs recherches autour de cette importante question, ont développé une autre analyse: l’Asie de l’Est aurait en réalité toujours été le cœur du système-monde depuis son existence il y a 5000 ans. La Chine aurait d’ailleurs dominé un système tributaire interne à l’Asie de l’Est et du Sud-Est pendant plusieurs millénaires. Une série d’évolutions historiques, que l’Ecole de Californie a qualifié de « Grande Divergence » aux XVIIIe et XIXe siècles, a déplacé (momentanément) le centre de l’Asie vers l’Europe. L’histoire du capitalisme asiatique montre que de nos jours, le système-monde se reconstitue tel qu’il l’a toujours été, et pour de nombreux chercheurs, l’Asie dynamique de la fin du XXe siècle et du début du XXI siècle ne fait que reprendre la place qui était la sienne avant que les Européens ne soient venus « offrir le Progrès ».

Takeshi Hamashita décrit l’antériorité d’un système-monde asiatique en développant la notion de « région-monde ». L’Asie de l’Est aurait été, depuis la dynastie Han, un système-monde régional migratoire, tributaire et commercial dominé par la Chine. Il anime ainsi une multiplicité de semi-périphéries autour d’un système de don-contre don appelé le « chao-gong ». A partir de la fin du XVe siècle, seul le Japon post-ère Sengoku aurait été en mesure de se transformer en une semi-périphérie capable de concurrencer le centre chinois. Ainsi, quand les Européens pénètrent l’Asie de l’Est et du Sud-Est au XVIe siècle, ils entrent dans un monde déjà parfaitement organisé.

Introduction

Immanuel Wallerstein a développé la théorie des systèmes-monde en 1974 ; en parallèle à ses travaux, d’autres chercheurs (Andre Gunder Frank, Barry Gills, Christopher Chase-Dunn, Thomas Hall, Giovanni Arrighi, David Wilkinson…) ont développé des approches à la fois similaires et nuancées. Dans les universités japonaises, les travaux des économistes, des historiens et des anthropologues ont également développé leurs propres approches des systèmes-monde (Takashi Shiraishi, Takeshi Hamashita, Heita Kawakatsu, Satoshi Ikeda: cette historiographie se nomme Kaiiki-Shi). Il faut parfois reconnaître que ces travaux sont parfois aussi centrés sur l’Asie que le système-monde wallersteinien l’est sur l’Europe. Néanmoins, il est important de reconnaître que l’analyse des systèmes-monde n’est pas l’apanage des chercheurs occidentaux et que l’application à l’Asie à travers les diverses phases de son histoire régionale met en évidence les traces d’un système-monde asiatique et remet en question la naissance du capitalisme en Europe, malgré les critiques des historiens anglo-saxons. Enfin, l’approche du système-monde asiatique permet de marquer les différences (et parfois, ce qui compte également, les ressemblances) avec le système-monde européen. Non seulement le système-monde asiatique pourrait être en place bien avant le système-monde européen, mais l’Europe et l’Asie ne formeraient jamais un seul système-monde eurasiatique. L’incorporation des deux systèmes-monde apporte des éclairages neufs sur la naissance du capitalisme et sur le dynamisme économique et culturel de l’Asie depuis la fin de la domination de l’Occident dans un monde post-guerre froide.

Il est donc temps, pour beaucoup de chercheurs, de ré-orienter l’histoire du monde global.

Le contexte économique des années 1980 invite à tourner le regard vers l’Asie

Du point de vue occidental, ce sont les pénétrations des Portugais dans l’océan Indien converti à l’Islam au XVIe siècle, puis la fondation de Manille en 1571, les flux d’or venus d’Amérique via l’océan Pacifique, la prise en main de Formose par les Néerlandais, les campagnes de conversions menées par les jésuites, les guerres coloniales menées par l’armée britannique en Inde et dans le golfe du Bengale, les guerres de l’opium et l’ouverture forcée des ports asiatiques dans le cadre de « traités inégaux », l’imitation consciente des valeurs occidentales dans le Japon à l’ère Meiji, qui auraient apporté le « progrès » nécessaire au développement de l’Asie de l’Est et du Sud-Est.

La meilleure preuve de cette ouverture se verrait dans la qualité de la vie politique, économique, sociale et militaire du Japon impérialiste de la fin du XIXe siècle à 1945, puis dans le take-off des NEI (« dragons » et « tigres » d’Asie) dans les années 1970, 1980 et 1990.

Après 1945, les études économiques ont démontré que le PIB de l’Asie a augmenté bien plus rapidement que celui de l’Occident. En 1960, le revenu par habitant des pays d’Asie de l’Est a commencé à croître plus rapidement que celui des pays occidentaux avancés ainsi que d’autres pays en développement. La croissance du PIB par habitant du Japon entre 1955 et 1973 (un taux de croissance d’environ 10% !) a été l’exemple le plus frappant de cette nouvelle tendance. Dans les années 1970 et 1980, c’est la cité-Etat de Singapour qui connaît à son tour une forte croissance ; Singapour est suivi de la Corée du Sud, de Taïwan et de la cité autonome de Hong-Kong. Au cours de la dernière décennie du XXe siècle, la part de l’Asie de l’Est dans le PIB mondial a apparemment dépassé celle des six plus grandes économies occidentales. Les observateurs ont parlé de « miracle » asiatique.

Pourtant, le « miracle » asiatique n’est qu’une définition complexée du développement technologique, commercial et financier d’une région éloignée du monde par l’Occident.

Du point de vue des chercheurs asiatiques, la réussite économique du Japon, de Singapour, de la Corée du Sud, de Taïwan et de Hong Kong (et plus récemment, de la Chine) ne s’explique pas par une collaboration bénéfique proposée par des étrangers plus développés puisque nombre des technologies ou des idées soi-disant véhiculées par ces étrangers ont en réalité été inventées dans cette région ! Ce sont d’abord des évolutions géopolitiques et géoéconomiques internes à l’Asie depuis de nombreux siècles, ainsi le choix des gouvernements et des entreprises privées de s’intégrer aux flux mondialisés (quelle que soit la date de naissance de la mondialisation) qui expliqueraient avant tout le décollage (ou plutôt les décollages) de l’Asie dans une chronologie différenciée à partir des années 1960.

A la fin du XVe siècle, il est possible de considérer que le système des Etats européens n’était qu’une composante périphérique et chaotique d’une économie globale qui a longtemps eu l’Asie pour centre. Vers 1850, ce système englobe la totalité de la planète et transforme le système tributaire centrée sur la Chine un sous-système régional de l’économie globale centrée sur l’Europe.

Comment expliquer ce retournement de situation ?

Takeshi Hamashita

Depuis ses premiers travaux dans les années 1980, Takeshi Hamashita dessine une nouvelle configuration spatiale du système-monde. Tout comme Frank, il identifie la Chine comme le centre du système-monde régional en Asie de l’Est et du Sud-Est et insiste sur l’antériorité du système-monde asiatique sur le système-monde européen.

Il résume ses hypothèses autour de 3 arguments :

  • Le système-monde régional asiatique centré sur la Chine est plus ancien que le système-monde capitaliste européen ; même après l’incorporation du système-monde régional asiatique au système-monde européen, les réseaux intrarégionaux de commerce, d’échange et de rencontre se sont maintenus et ont perduré ;
  • La principale dynamique du système-monde asiatique à l’époque moderne est la concurrence avec un ordre sinocentrique par les semi-périphéries du système ;
  • La croissance est-asiatique en général et chinoise en particulier ne doit pas être sous-estimée, dans le passé comme au présent et dans l’avenir proche.

Dans « Tribute and Treaties : Maritime Asia and Treaty Port Networks in the Era of Negociation, 1800-1900 » (dans Giovanni Arrighi, Takeshi Hamashita, Mark Selden (dir), The Resurgence of East Asia, 500, 150 and 50 Years Perspective, Routledge, 2003, p. 17-50), Hamashita critique l’occidentalisme qui conduit à utiliser les termes d’« impact occidental », « ouverture », « progrès », « modernité » à propos de l’Asie à partir du XIXe siècle. L’Occident est considéré comme ayant fourni les impulsions qui ont transformé la tradition asiatique. Dans cette perspective, les « traités inégaux » conclus avec les nations occidentales au XIXe siècle deviennent le point de départ de la modernité de l’Asie.

Cependant, il a existé une organisation politique régionale et et nationale influente au sein de la région est-asiatique et sud-est asiatique ; ces relations de dépendance négociée ont davantage contribué à transformer les relations de tous les Etats avec la Chine que l’imposition des traités inégaux par des puissances occidentales recherchant une hégémonie qu’ils n’ont d’ailleurs jamais pu réaliser entièrement.

Les travaux de Takeshi Hamashita mettent en évidence cette autonomie de l’Asie face à l’Occident autour de quelques thèmes décisifs.

La région-monde

Hamashita abandonne l’opposition binaire entre la nation et le système-monde. Pour lui, il faut ajouter un niveau supplémentaire d’analyse : la région, comprise comme une aire géographique intermédiaire entre le pays/l’Etat et le système-monde.

Hamashita a le mérite de la paternité de cette approche dans les années 1980, mais sa théorie est très bien expliquée par d’autres historiens dès 1997: dans Network Power : Japan and Asia, Peter Katzenstein et Takeshi Shiraishi considèrent les « régions du monde » comme des groupes de pays contigus nettement interdépendants sur un large éventail de dimensions qui varient dans l’espace et évoluent dans le temps.

Ainsi compris, le concept de « région-monde » est plus large que celui d’« économie-monde » de Fernand Braudel. Pour Immanuel Wallerstein, l’Asie insulaire n’aurait été qu’une économie-monde, et l’Asie continentale un système-monde. Or, la « région-monde » ou le « système-monde régional » possède une autonomie et une unité organique qui reposent également sur des fondements politiques et culturels plutôt qu’exclusivement économiques.

En 2003, dans The Resurgence of East Asia, Giovanni Arrighi, Takeshi Hamashita et Mark Selden décrivent encore l’Asie de l’Est comme d’une région du monde plutôt qu’une économie-monde, à la fois pour éliminer une source majeure de confusion sur la portée spatiale de l’entité en question et pour minimiser les aspects économistes de la définition de Braudel. Dans l’introduction du volume collectif qu’ils dirigent, les auteurs définissent ainsi les régions du monde sur la base d’interdépendances et d’interactions récurrentes, plutôt que de points communs.

« From this standpoint, from the sixteenth century Southeast Asia was first and foremost the crossroads of inter-regional trade linking Northeast and Inner Asia to South Asia and to Europe, both via the Cape and the Americas. This meant that the volume and variety of the maritime traffic passing through the region were extraordinary by contemporary standards – wholly comparable, in Archibald Lewis’ words “to that of the Mediterranean or the northern and Atlantic coast of Europe” (quoted in Braudel 1984 : 486–7). It also meant, however, that the strongest interdependencies linked Southeast Asian territories, not to one another, but to the territories of nearby (South Asia, and Northeast Asia) or faraway (Europe and the Americas) regions »1.

En résumé, la conceptualisation japonaise de l’Asie de l’Est en tant que région du monde se concentre principalement sur les interactions entre les organisations gouvernementales et commerciales. Beaucoup de ces organisations, en particulier celles opérant en Asie du Sud-Est, interagissaient régulièrement avec des organisations extrarégionales. Mais ce sont les liens et les échanges intra-régionaux qui ont fourni à l’Asie de l’Est une certaine unité politico-économique organique distincte du système mondial d’interactions dans lequel elle était intégrée.

Jusqu’au début du XIXe siècle, l’Asie du Nord-Est, l’Asie intérieure et l’Asie du Sud-Est constituaient conjointement une seule région-monde en ce sens que les interactions au sein et entre ces régions étaient plus importantes dans la formation des processus et des résultats du développement que leurs interactions avec d’autres régions de l’économie mondiale.

Cette affirmation s’appuie sur deux considérations principales.

L’une concerne la migration et le commerce privé. Tout au long des temps modernes et modernes, l’Asie du Sud-Est a été la principale destination des flux d’émigration chinoise. Ces flux, à leur tour, ont donné naissance à des réseaux denses et étendus de commerce privé, d’envois de fonds et de communications, à la fois légales et illégales, qui englobaient l’Asie de l’Est maritime.

La deuxième considération concerne les réseaux de commerce tributaire centrés sur la Chine. Ces réseaux englobaient non seulement l’Asie du Nord-Est et l’Asie intérieure, mais aussi l’Asie du Sud-Est. A certaines périodes et dans certaines sous-régions, l’économie politique formelle du commerce tributaire a prévalu sur l’économie informelle du commerce privé. Ainsi, une combinaison de commerce tributaire et privé reliait les territoires de l’Asie du Nord-Est, de l’Asie intérieure et de l’Asie du Sud-Est dans un réseau dense d’échanges et de transactions, à la fois économiques et politiques.

C’est ce qui rend approprié de parler d’une seule région mondiale de l’Asie de l’Est englobant toutes ces sous-régions.

Pour Hamashita, la région-monde asiatique doit inclure aussi bien les aires continentales que les zones maritimes. Les mers et la terre ne doivent pas être comprises comme étant séparées par les côtes, mais comme faisant partie d’un ensemble plus vaste dans lequel la terre fait partie des mers (et vice versa). Dans le cas asiatique, il s’agit d’une région maritime par excellence.

Les mers asiatiques se composent de trois éléments :

  • La zone côtière, où la terre et la mer interagissent ;
  • La zone riveraine composée de littoraux anthropisés, où se trouvent des ports de commerce et des villes qui constituent les nœuds clés de la zone maritime. Ces ports ne sont pas tant des débouchés sur la mer pour les zones intérieures que des points qui relient une zone maritime à une autre ;
  • Les grandes villes portuaires qui relient les régions maritimes par le biais du commerce à longue distance, telles que Naha, Guangzhou, Macao et Hong Kong.

Chine et le système tributaire Chine et le système tributaire

Ainsi, le monde maritime asiatique englobait le commerce côtier, le commerce trans-maritime et les connexions par chaîne de mers. Le résultat était un royaume ouvert et multiculturel, diversifié et bien intégré. Les mers asiatiques forment une aire particulièrement structurée. Pour comprendre les principes opérationnels du monde maritime, il est nécessaire d’examiner l’interaction des facteurs politiques, économiques et culturels qui s’y sont déroulés. Le principe historique majeur qui a vaguement unifié le monde maritime de l’Asie de l’Est a été résumé dans les relations de tribut et de commerce, qui ont fonctionné des dynasties Tang aux Qing, du VIIe siècle à 1911.

Hamashita conceptualise l’histoire mondiale comme la transformation des liens entre plusieurs systèmes régionaux (dont le système-monde européen). Il rejoint Janet Abu-Lughod sur le fait qu’il existe plusieurs systèmes-monde régionaux dont l’interaction a fini par créer un système-monde global, avant l’émergence d’une domination européenne au XVIe siècle. Mais pour Hamashita, les systèmes régionaux ont continué d’exister, même après leur « incorporation » au système-monde capitaliste. La globalité du système-monde serait exprimée sous la forme des échanges commerciaux les plus solides entre différents systèmes-monde régionaux. Comme sous la plume de William McNeill, ce sont le réseau et les interactions entre les systèmes régionaux qui constituent donc le système-monde global.

Le système tributaire chinois

Selon Hamashita, le système-monde régional asiatique est un système commercial tributaire. Il repose sur la très forte demande étrangère de soie chinoise, que le pays exporte en quantité limitée et à des prix élevés. La Chine emploie alors les revenus de ce commerce longue distance au renforcement de sa domination politique, militaire et diplomatique : c’est ce que l’historien a appelé la Pax Sinica.

Dans l’ordre centré sur la Chine, les Etats tributaires envoyaient périodiquement des missions de tribut à la capitale chinoise, et chaque fois que les dirigeants des Etats tributaires changeaient, la Chine envoyait un émissaire pour reconnaître officiellement le nouveau dirigeant. En période d’instabilité, les forces chinoises intervenaient parfois pour soutenir ou consacrer un dirigeant. Cette pratique courante de don-contre don (le « chao-gong ») impliquait la reconnaissance mutuelle de la légitimité des forces en présence et la traduction de la dépendance des Etats et des peuples de l’Asie du Sud-Est à un « ordre mondial » sinocentré. Elle créait les conditions de la paix, de la prospérité et de l’équilibre géoéconomique et géopolitique de l’Asie dominée par la Chine. Ce qui était qualifié de « tribut » était en fait une transaction à double sens motivée par les intérêts symboliques ou matériels des Etats vassaux et centraux, dans laquelle les vassaux bénéficiaient souvent économiquement beaucoup plus que l’Etat central.

Ainsi, bien que la Chine soit un empire-monde qui centralise un système tributaire très étendu géographiquement et très diversifié en produits, le volume du commerce privé a progressivement augmenté au fil du temps. En conséquence, l’objectif principal du commerce de tribut en est venu à être la recherche de profits par le biais du commerce dissimulé, lequel était accessoire aux yeux du système officiel.

Les relations de tribut étaient le principe sous-jacent d’un système commercial régional d’Asie de l’Est qui reliait à la fois les localités chinoises au centre et les Etats tributaires environnants à l’empire. Comme l’écrit Birgit Tremml-Werner, il s’agit plutôt d’une « diplomatie interculturelle » dans laquelle le « tribut » cherche d’abord à établir des « amitiés », un concept qui est au cœur du confucianisme : « from a Confucian viewpoint friendship was equal with loyaltyas the key concept of tributary relations, we may assume that “tribute” and“friendship” could be used almost interchangeably ».

Que pensaient les nations autonomes du système tributaire ? Depuis l’ère Ming, les marchands tributaires profitaient des voyages officiels pour développer leurs propres réseaux commerciaux et réaliser leurs propres profits en-dehors de toute sanction impériale. Les relations commerciales tributaires étaient donc particulièrement appréciées et n’ont jamais été combattues, sauf par le Japon Tokugawa.

L’empire-monde dominé par la Chine était ainsi composé de semi-périphéries et de périphéries suffisamment proches pour s’influencer mutuellement mais trop éloignés pour s’assimiler et être assimilés. Le système d’échange de tributs leur fournissait un cadre symbolique d’interaction politico-économique mutuelle. Ainsi, le Japon et le Vietnam étaient des membres périphériques du système mais aussi des concurrents de la Chine dans l’exercice de la fonction d’attribution des titres impériaux, le Japon établissant une relation de type tributaire avec le royaume des Ryukyu, et le Vietnam avec le Laos.

Les relations d’hommage n’étaient pas seulement politiques, mais impliquaient également des relations économiques et commerciales. En échange des cadeaux apportés à la cour chinoise, les porteurs de tribut recevaient des textiles en soie et d’autres marchandises de l’empereur. Des commerçants spécialement agréés accompagnant l’envoyé se livraient à des transactions commerciales à des endroits désignés de la capitale2.

Les missions d’hommage étaient autorisées à ouvrir des marchés dans la salle d’assemblée de Pékin, qui relevait de la juridiction du Conseil des cérémonies, et leurs principaux articles d’hommage étaient des chevaux et des récipients en or et en argent. En récompense de la simple démonstration de soumission en guise d’hommage, la partie chinoise accorde d’autres cadeaux comme la soie ou de l’argent. Ces récompenses pour la soumission du tribut étaient en tout cas comparativement importantes.

Les « cadeaux » de retour de la cour étaient divisés en deux groupes. Le premier groupe de cadeaux était destiné à l’ambassade proprement dite ; l’autre groupe de cadeaux était vraiment la récompense pour des articles apportés en hommage.

De plus, plus de dix fois plus de marchands que ces commerçants spéciaux échangeaient des marchandises avec des marchands locaux. La relation entre les biens d’hommage et les « cadeaux » était essentiellement une relation de vente et d’achat. Il est possible de considérer l’échange de tributs comme une transaction commerciale. Le mode de paiement était souvent la monnaie chinoise, qu’il s’agisse de papier-monnaie ou d’argent. D’un point de vue économique, le tribut était géré comme un échange entre le vendeur et l’acheteur, avec le « prix » des marchandises fixe.

La Chine était donc un empire-monde qui, contrairement aux interprétations occidentales, n’était ni fermé, ni contraire au développement capitaliste!

Le commerce lucratif était le moteur caché du système tributaire définissant les relations politiques, économiques et culturelles régionales.

L’empire tributaire chinois était « commercialisé » (Giovanni Arrighi). Au XIVe et au XVe siècle (avant les mesures isolationnistes des Ming), les réseaux commerciaux chinois de don-contre don animaient l’ensemble de la « Méditerranée asiatique ». Des marchands, souvent liés au pouvoir politique, usaient de leurs missions d’ambassadeurs pour tisser des liens et établir des connexions durables dans les ports d’Hirado, d’Okinawa, de Malacca, de Luçon, de Ryukyu, de Corée…

Ce commerce de tribut officiel a permis les voyages et les échanges de nombreux négociants entre la Chine côtière et l’Asie insulaire. A l’intérieur de ces réseaux commerciaux officiels s’épanouissaient toutefois d’autres réseaux qui étaient entièrement indépendants du système tributaire et qui bafouaient souvent directement les édits impériaux.

A l’occasion, les marins chinois jouent également le rôle de « pirates » (wako) ou de contrebandiers autorisés par l’Etat impérial pour renforcer le contrôle des espaces maritimes. Le système tributaire a donc également tissé un réseau dense de marché noir en Asie. L’Etat lui-même participait à ce système en fermant les yeux sur les pratiques de ses sujets tant qu’il en tire des revenus fiscaux avantageux. Les autres nations commerçantes de la région ont reproduit les mêmes pratiques, ce qui a contribué à créer un profitable à tous : dans le Japon féodal, c’est-à-dire avant la prise du pouvoir par Toyotomi Hideyoshi à la fin du XVIe siècle, les seigneurs locaux (daimyos) étaient à la fois des seigneurs terriens qui administraient leur domaine et en garantissaient la sécurité avec leurs samouraïs, mais aussi des seigneurs maritimes qui soutenaient la piraterie et la contrebande pour accroître leurs ressources et financer leurs rivalités avec les autres daimyos.

L’expansion du commerce intra et interrégional à la fin de l’ère Ming a stimulé la fortune non seulement des zones côtières de la Chine et de l’Asie de l’Est maritime, mais aussi des diasporas chinoises d’outre-mer3. Au cours des deux cents premières années du règne des Ming, les réseaux commerciaux des Chinois d’outre-mer avaient continué à s’étendre, malgré les restrictions sur le commerce privé outre-mer et sur les migrations chinoises vers l’Asie du Sud-Est. Le commerce et la migration qui l’accompagne sont devenus le principal moyen de subsistance d’une partie importante de la population des régions côtières du sud-est de la Chine, la source de profits extraordinaires pour les marchands et la principale source de revenus pour les gouvernements locaux. Les marchands, artisans et marins chinois sont devenus des participants extrêmement vigoureux dans la construction d’un nouveau monde de commerce et de colonisation autour de la mer de Chine méridionale. A partir du XVe siècle, malgré les restrictions des Ming, les revers périodiques et les défis des musulmans et d’autres peuples des mers, les Chinois étaient les commerçants dominants dans toute la région de l’Asie de l’Est, certains établissant des réseaux commerciaux, commerciaux et financiers s’étendant jusqu’au niveau des villages à travers l’Asie du Sud-Est. Ils ont lié la Chine à un large éventail de partenaires embrassant un kaléidoscope de peuples et de cultures à travers l’Asie de l’Est, et ont fourni un flux constant d’envois de fonds vers les villages côtiers du sud-est qui ont engendré la migration et qui sont devenus à leur tour parmi les régions les plus riches, les plus productives et les plus prospères d’Asie de l’Est. Les comptoirs maritimes dans lesquels ils se sont installés ont formé autant de lieux qui peuvent être qualifiés de « Space-Between»4.

Ainsi, une zone maritime telle que les mers asiatiques était aussi une zone de tribut et de commerce. Hamashita décrit une « zone de tribut et de commerce » à partir de l’exemple détaillé du royaume insulaire de Ryukyu sous l’ère des Ming (1368-1644). De ces îles sont parties des missions régulières vers l’Asie du Sud-Est afin d’obtenir du poivre, diverses épices et du bois précieux qui ne pouvaient être produits localement ; ces biens sont ensuite présentés comme tribut auprès des autorités du centre chinois, afin de marquer la soumission de l’archipel des Ryukyu à l’empire chinois. Les marchands des Ryukyu sont engagés dans des relations commerciales avec le Siam, Palembang, Java, Malacca, Sumatra, l’Annam, Patani, mais également le Japon et la Corée. Parallèlement aux diasporas chinoises, les négociants des îles Ryukyu font partie d’un vaste réseau d’échanges marchands au sein de la « Méditerranée asiatique », ce qui confirme les travaux de Denys Lombard, Victor Lieberman, Michel Bruneau, Anthony Reid ou François Gipouloux.

La Pax Sinica fait découvrir une histoire de l’Asie de l’Est et du Sud-Est totalement différente de celle que la vision européiste de l’histoire conventionnelle (occidentale) du monde a longtemps diffusé. Hamashita insiste sur la continuité du processus historique intra-asiatique sur le long terme. L’arrivée des Européens au XVIe siècle dans l’océan Indien n’a pas constitué une destruction des échanges intra-asiatiques à leur profit : elle a entraîné un déplacement et une modernisation des échanges entre la Chine et ses Etats tributaires, dont les Européens ont vite souhaité faire partie quand ils ont réalisé que cela pouvait leur permettre d’accéder à leur tour à la soie, au thé, au coton et aux porcelaines chinoises. De plus, la domination des Britanniques après les deux guerres de l’opium au XIXe siècle n’ont pas totalement renversé le tableau des échanges intra-asiatiques : l’ordre sinocentré et le système commercial tributaire se sont maintenus tout en changeant de forme, mais ils n’ont pas disparu.

Au contraire, Hamashita écrit que l’arrivée des marchands, des négociants et des financiers européens a engendré un puissant accroissement des échanges intra-asiatiques : les Européens achetant les produits chinois avec d’autres produits asiatiques (les Chinois refusant généralement même les meilleurs produits des marchands européens), l’exportation du thé, de la soie et de l’or chinois vers l’Europe a entraîné dans son sillage un florissant commerce régional de riz, de sucre, d’épices, de métaux et de personnes dès le XVIIe siècle5.

Ainsi, Hamashita montre l’existence d’un long cycle commercial tributaire dominé par la Chine en Asie. Ce cycle a été corrompu et a fini par se fissurer pour 3 raisons : 1) les Etats tributaires ont saisi l’opportunité des difficultés politiques et militaires des Qing pour insister sur leur propre centricité (il s’agit d’une concurrence des semi-périphéries du système-monde régional) ; 2) le déclin progressif de la profitabilité du commerce tributaire et l’augmentation de la place des marchands chinois individuels, en-dehors de tout contrôle étatique ; 3) l’appui de la puissance européenne pour résister à l’influence chinoise. La Chine elle-même a abandonné les relations tributaires et le sinocentrisme à la fin du XIXe siècle, après sa défaite face au Japon (1894-1895).

Le Japon dans le système tributaire chinois au XVe et au XVIe siècles

Hamashita met en évidence la paix, la prospérité, l’équilibre géoéconomique et géopolitique de l’Asie dominée par la Chine. En comparaison avec l’Europe, les relations interétatiques en Asie de l’Est au XVIIIe siècle étaient remarquablement pacifiques. Mais parce qu’elles étaient pacifiques, aucun cycle d’auto-renforcement ne peut être observé en Asie de l’Est (comme le dit Andre Gunder Frank mais au contraire de ce que suppose Giovanni Arrighi). Les Qing ont étendu les frontières de la Chine au Nord et à l’Ouest, mais les avantages économiques de l’expansion étaient bien en deçà de ce qui aurait été nécessaire pour supporter les coûts d’une course à l’armement sur le modèle européen de la fin du XIXe siècle6.

Comme le souligne Roy Bin Wong7, la logique de l’économie politique mettant l’accent sur la concurrence avec les Etats étrangers avait peu en commun avec l’accent mis par la Chine sur les avantages mutuels des échanges intérieurs : plutôt que d’extraire des ressources des périphéries, l’Etat chinois était plus susceptible d’y investir. L’expansion politique pour incorporer de nouvelles frontières engageait le gouvernement à déplacer les ressources vers les périphéries, et non à les extraire. L’économie politique chinoise impériale tardive obéissait à un ensemble de principes très opposés à ceux du mercantilisme européen. Ce que souhaitent les nations commerçantes voisines de la Chine, c’est réaliser la même chose que la Chine en gagnant ainsi leur autonomie : les semi-périphéries chinoises souhaitent devenir des centres secondaires qui animent à leur tour leurs propres semi-périphéries (dont la Chine pourrait faire partie, dans le cas plus ambitieux du Japon Meiji).

En 1402, le shogun Ashikaga Yoshimitsu avait accepté la suzeraineté chinoise et 11 missions officielles de commerce tributaire avaient été envoyées en Chine jusqu’au milieu du XVIe siècle. Cependant, la situation politique et militaire du Japon entre 1450 et 1600 est chaotique, chaque daimyo étant en guerre avec les autres et le shogun se révélant incapable d’imposer ses décisions à ses seigneurs féodaux. Les seigneurs locaux (daimyos) étaient à la fois des seigneurs terriens qui administraient leur domaine et en garantissaient la sécurité avec leurs samouraïs, mais aussi des seigneurs maritimes qui soutenaient la piraterie et la contrebande pour accroître leurs ressources et financer leurs rivalités avec les autres daimyos.

A partir de 1549, en raison de la piraterie endémique, la Chine des Ming interdit totalement le commerce entre la Chine et le Japon. Les Japonais prennent alors conscience de la possibilité qui leur est offerte non seulement de sortir de la Pax Sinica, mais aussi de tenter de la remplacer. En 1585, Toyotomi Hideyoshi devient régent impérial. Celui-ci rejette absolument la domination chinoise en Asie et refuse que le Japon participe au système tributaire chinois. Hideyoshi a pour ambition de définir de nouvelles relations commerciales et diplomatiques avec ses proches voisins, en particulier la dynastie Ming de Chine, la dynastie Joseon de Corée et la dynastie Sho des îles Ryukyu. Yasunori Arano parle de « Japanese-style international order ». Pour lui, la politique du shogun ne visait pas à l’isolement du Japon, mais à l’établissement de la légitimité Tokugawa à l’intérieur du pays. Les Tokugawa n’étaient pas opposés aux relations internationales, mais seulement aux situations qui pourraient nuire à leur aura de suprématie. Pour Ieyasu Tokugawa, le successeur d’Hideyoshi et fondateur de la dynastie Tokugawa, il s’agit de faire du Japon une puissance commerciale et un pouvoir maritime totalement indépendant en mer de Chine.

Cependant, comme chaque nation recherche avant tout la paix et la prospérité commune, même le Japon ne souhaite pas immédiatement renverser les rapports traditionnels avec ses voisins. Contrairement à l’interprétation occidentale qui voit dans cette période une « transition » en Asie de l’Est de l’ordre ancien à une ère plus moderne, les négociations du XIXe siècle ne remettent pas en cause le système tributaire. Le système de tribut était essentiellement une expression de la paix et de l’ordre mondial chinois, une hiérarchie historiquement évoluée de peuples « civilisés » et « barbares », qui définissait les relations géopolitiques à l’échelle régionale. Les intellectuels des nations et des régions d’Asie de l’Est partageaient l’idéal de la hiérarchie s’étendant vers l’extérieur d’un Empire du Milieu, mais aussi du Japon et du Vietnam dans la définition des relations avec leurs voisins plus faibles. Les Européens ne sont jamais parvenus à imposer leur conception des relations internationales (les relations conventionnelles entre des Etats-nation auto-renforcés). Les relations intérieures et extérieures de l’Asie orientale n’étaient en aucun cas immédiatement régies par les nouvelles relations conventionnelles8.

NOTES:

  1. Giovanni Arrighi, Takeshi Hamashita, Mark Selden (dir), The Resurgence of East Asia, 500, 150 and 50 Years Perspective, Routledge, 2003, p. 7-8.
  2. Takeshi Hamashita, « The Tribute Trade System of Modern Asia », The Memoirs of the Toyo Bunko, 46, 1988, p. 7-25 (reproduit dans A. J. H. latham, Heita Kawakatsu (dir), Japanese Industrialization and the Asian Economy, Routledge, 1994 p. 91-107) ; « The Intra-Regional System in East Asia in Modern Times », dans Peter Katzenstein, Takeshi Shiraishi (dir), Network Power : Japan and Asia, Cornell University Press, 1997, p. 113-135 ; Gakusho Nakajima, « The Structure and Transformation of the Ming Tribute Trade System », dans Manuel Perez Garcia, Lucio de Sousa (dir), Global History and New Polycentric Approaches : Europe, Asia and the Americas in a World Network System, MacMillan, 2018, p. 137-162, p. 142.
  3. Roderich Ptak, « Ming Maritime Trade to Southeast Asia, 1368-1567 : Visions of a ‘System’ », dans Claude Guillot, Denys Lombard, Roderich Ptak (dir), From the Mediterranean to the China Sea : Miscellaneous Notes, Harrassowitz, 1998, p. 157-191 ; Roderich Ptak, China, the Portuguese, and the Nanyang : Oceans and Routes, Regions and Trade (c. 1000 to 1600), Ashgate, 2003.
  4. Michael Lavern « Neither Here nor There : Trade, Piracy, and the « Space-Between » in Early Modern East Asia », dans Tonio Andrade, Xing Hang (dir), Sea Rovers, Silver, and Samurai. Maritime East Asia in Global History, 1550-1700, University of Hawaï Press, 2016, p. 28-37. Michael Lavern définit le « Space-Between » ainsi : « this space was characterized by a Chinese Empire very much on the wane ; a proccess of state formation in Japan whose culmination lay a few decades in the future ; and a whole host of international characters who ran the gamut between merchant, pirate, patriot, and smuggler » (p. 28). Voir aussi Geoffrey Gunn, World Trade Systems of the East and West : Nagasaki and the Asian Bullion Trade Networks, Brill, 2017.
  5. Takeshi Hamashita, « The Tribute Trade System of Modern Asia », The Memoirs of the Toyo Bunko, 46, 1988, p. 7-25 (reproduit dans A. J. H. latham, Heita Kawakatsu (dir), Japanese Industrialization and the Asian Economy, Routledge, 1994 p. 91-107) ; « The Intra-Regional System in East Asia in Modern Times », dans Peter Katzenstein, Takeshi Shiraishi (dir), Network Power : Japan and Asia, Cornell University Press, 1997, p. 113-135. Voir aussi Satoshi Ikeda, « The History of the Capitalist World-System vs. the History of East-Southeast Asia », Review (Fernand Braudel Center), 19, 1996, p. 49-77 ; Kaoru Sugihara, « Patterns of Intra-Asia Trade, 1898-1913 », Osaka City University Economic Review, 16, 1980, p.55-76 ; Giovanni Arrighi, Satoshi Ikeda, Alex Irwan, « The Rise of East Asia : One Miracle or Many ? » dans R. A. Palat (dir), Pacific-Asia and the Future of the World-System, Greenwood, 1993, p. 41-65 ; Anthony Latham, « The Dynamics of Intra-Asian Trade, 1868-1913 : the Great Entrepots of Singapore and Hong Kong », dans Anthony Latham, Heita Kawakatsu (dir), Japanese Industrialization and the Asian Economy, Routledege, 1994, p. 145-193.
  6. La chronologie avancée par Takeshi Hamashita est objet de débats. Elle est vraie pour l’Asie maritime. Néanmoins, sur les frontières terrestres de la Chine, des Etats et des peuples rivaux tout aussi puissants ont contesté cet ordre hiérarchique. Les Tang ont fait face à un empire tibétain majeur qu’ils n’ont jamais pu vaincre ; les Song ne pouvaient jamais prétendre être l’hégémon incontesté, même en Chine intérieure ; les Ming n’ont jamais réussi à soumettre les Mongols du Nord-Ouest. Jusqu’à ce qu’ils aient exterminé les Mongols Zunghar et conquis le Xinjiang au milieu du XVIIIe siècle, les Qing ont également fait face à de grands Etats rivaux. Le « système tributaire » était en réalité constamment remis en question, reconfiguré et réadapté. Il n’était ni stable, ni fixe, ni uniforme. Plutôt que de considérer le système tributaire comme un véritable « hommage », Ailleurs, en particulier dans le nord-ouest, de grandes fluctuations se sont produites. Peter Perdue propose de considérer des « discours », des « rituels » et des « représentations » profitables aux deux parties. En ce qui concerne certaines régions maritimes, comme la Corée, les relations étaient relativement stables : « All the northwestern powers – Russia, the Zunghars, Tibetans, and Kazakhs – found tribute missions to be valuable sources of commodities and intelligence, as did the Vietnamese and Siamese. A kowtow was a small price to pay for legitimation, peace, and access to this giant neighbor’s interior. Qing officials, knowing that tribute missions were costly to support and contained as many spies as merchants, tried to restrict their access, but at the same time the Qing learned much about their frontier from these visitors. Paying equal attention to China’s many frontiers helps to enrich our understanding of the variety of transcultural relationships in which the empire was constantly involved » (« A frontier View of Chineseness », dans Giovanni Arrighi, Takeshi Hamashita, Mark Selden (dir), The Resurgence of East Asia, 500, 150 and 50 Years Perspective, Routledge, 2003, p. 51-77, p. 68.
  7. Roy Bin Wong, China Transformed : Historical Change and the Limits of European Experience, Cornell University Press, 1997.
  8. Takeshi Hamashita, « The Tribute Trade System of Modern Asia », The Memoirs of the Toyo Bunko, 46, 1988, p. 7-25 (reproduit dans A. J. H. latham, Heita Kawakatsu (dir), Japanese Industrialization and the Asian Economy, Routledge, 1994 p. 91-107) ; Satoshi Ikeda, « The History of the Capitalist World-System vs. the History of East-Southeast Asia », Review (Fernand Braudel Center), 19, 1996, p. 49-77 ; Kaoru Sugihara, « The East Asian Path of Economic Development : a Long-Term Perspective » (dans Giovanni Arrighi, Takeshi Hamashita, Mark Selden (dir), The Resurgence of East Asia, 500, 150 and 50 Years Perspective, Routledge, 2003, p. 78-123.