Communautés et mobilités en Méditerranée de la fin XVe au milieu du XVIIIe siècle

Bibliographie

 

Cette bibliographie est une proposition élaborée afin d’aider les candidats dans le choix de ressources à proposer à la mutualisation. Elle n’est pas exhaustive.

 

About, llsen, Denis, Vincent, « L’identification saisie par l’Etat et par l’écrit : XVe-XVIIIe siècle », dans About, llsen, Denis, Vincent, Histoire de l’identification des personnes, Paris, La Découverte, 2010, p. 32-55.
***Abulafia, David, La Grande Mer. Histoire de la Méditerranée, Paris, Les Belles Lettres, 2022.

Un excellent ouvrage écrit par un spécialiste de la question. Une histoire sur le très long terme. Au cœur de l’ouvrage, la thèse est que la prospérité de cités maritimes telles qu’Alexandrie, Trieste, Salonique, Venise et beaucoup d’autres, a reposé pour une large part sur leur capacité à accueillir peuples, religions et identités et à leur permettre de coexister : la Méditerranée a incarné pendant des millénaires ce lieu exceptionnel où religions, économies et systèmes politiques se sont rencontrés, affrontés, influencés et finalement assimilés.

CR Cliothéque

Angiolini, Franco, Roche, Daniel (dir), Cultures et formations négociantes dans l’Europe moderne, Paris, Éditions de l’EHESS, 1995.

Un ouvrage un peu ancien qui rassemble 24 contributions, résultats d’une enquête menée entre 1986 et 1989 sur « l’éducation des négociants ». Plusieurs villes négociantes sont au centre des réflexions : à Hambourg, Iselohn et d’autres villes, la prosopographie et le contexte marchand met en évidence la formation des entrepreneurs.

Aresu, Massimo, Asséo, Henriette (dir), Zingari : una storia sociale, dossier des Quaderni Storici, 49, 2014.
Armstrong, Megan, Weiss, Gillian (dir), France and the Early Modern Mediterranean, dossier de la revue French History, 29,2015.
Aslanian, Sebouh D., From the Indian Océan to the Mediterranean : The Global Trade Networks ofArmenian Merchants from New Julfa, Berkeley, University of California Press, 2011.

Une étude du réseau marchand des Arméniens de la Nouvelle-Djoulfa (Ispahan, en Perse Safavide) entre 1605 et 1747. Il met en évidence l’importance de ce groupe pour les échanges commerciaux eurasiatiques de l’époque moderne. Issu d’une thèse soutenue en 2007. Il montre l’organisation et le fonctionnement de ce réseau.

Asséo, Henriette, « « Bohesmiens du royaume ». L’insediamento dinastico dei « Capitaines Egyptiens » nella Francia di Antico Regime (1550-1560) », Quaderni storici, 49,2014, p. 439-469.
Asséo, Henriette, Les Tsiganes, une destinée européenne, Paris, Gallimard, 1994.

Une histoire de la splendeur du peuple et de la culture tzigane du XVIe au XVIIIe siècle.

*Baghdiantz McCabe, Ina (dir), Diaspora entrepreneurial networks : four centuries of history, Oxford, Berg, 2005.

Le livre ne traite pas d’une diaspora en particulier, mais porte un regard comparatif sur un éventail de diasporas pour étudier les réseaux commerciaux diasporiques à travers le monde à différentes échelles. Ils étudient les modèles et les pratiques communs dans les entreprises des peuples et des entrepreneurs de la diaspora. Les régions couvertes comprennent l’Europe occidentale, la Méditerranée, l’Asie du Sud-Ouest et l’océan Indien, ainsi que l’Asie du Sud-Est. Les réseaux mondiaux de groupes commerciaux de la diaspora étaient essentiels au commerce international bien avant le XXe siècle, mais parce qu’ils ne faisaient pas partie d’institutions établies, ils sont restés insaisissables pour les économistes, les sociologues et les historiens.

Bellatti Ceccoli, Guido, Tra Toscana e Medio Oriente. La storia degli arabi cattolicia Livorno, Livourne, Editasca, 2008.

Une étude originale sur la présence dans la ville de Livourne d’une grande communauté d’Arabes de religion catholique. L’ouvrage manipule la sociologie des minorités, l’anthropologie et l’analyse des réseaux. Il s’inscrit donc dans un courant historiographie très récent et prometteur.

***Benbassa, Esther, Rodrigue, Aron, Histoire des Juifs sépharades : de Tolède à Salonique, Paris, Éditions du Seuil, 2002.

Un classique de la collection Points Seuil, qui complète l’ouvrage d’Henry Méchoulan L’histoire commence après l’édit d’expulsion des Juifs de la péninsule ibérique de 1492 et suit la dispersion des Sépharades autour du bassin méditerranéen (y compris dans le monde musulman), rejoints par les marranes dans les siècles suivants. Comme les Ashkénazes, les Sépharades ont dû faire face aux grands défis de l’époque moderne. Cette historique chrono-thématique est très bien présentée.

Bennassar,  Bartolomé,  «  Les   migrations   religieuses et le cas  des  renégats  »,  dans  Christiane  Gandossi  (dir), Méditerranée, mer ouverte, Malte, International Foundation, 1997, p. 411-420.
***Bennassar, Bartolomé, Bennassar, Lucile, Les Chrétiens d’Allah. L’histoire extraordinaire des renégats, XVIe-XVIIe siècles, Paris, Perrin, 1989.

Un ouvrage ancien mais qui entre parfaitement dans l’esprit de la question d’agrégation. Une histoire de frontière entre les deux rives de la Méditerranée, franchie de gré ou de force par des milliers d’Européens entre le XVIe et le XVIIe siècles. Une histoire des mouvements de population entre deux espaces géopolitiques. L’ouvrage apprend par exemple qu’entre 1560 et 1650, plus de la moitié de la population d’Alger est composée de « renégats » qui constituent l’élite de la ville. Ces renégats sont des personnes de condition modeste, capturés sur mer ou sur le rivage. Ce sont des marins-pêcheurs, des soldats prisonniers ou déserteurs, des artisans, de paysans, des religieux. Ils sont convertis et servent le sultan ottoman. En se soumettant de force aux rites musulmans. Ils présentent donc une grande variété de profils. Toute la richesse de ce monde particulier et illustrée dans cet ouvrage capital.

**Bennassar, Bartolomé, Sauzet, Robert (dir), Chrétiens et Musulmans à la Renaissance, Paris, Honoré Champion, 1998.

Recueil des actes du colloque organisé par le CESR en 1994. Bartolomé Bennassar est le spécialiste de la question de la rencontre entre chrétiens et musulmans en Méditerranée à l’époque moderne.

Bennassar, Bartolomé, Vincent, Bernard, Le temps de l’Espagne : XVIe-XVIIe siècles, Paris, Pluriel, 2011 [1999].

Une excellente histoire générale de l’Espagne par un spécialiste. Une vision d’ensemble de la vie politique, culturelle et économique de l’empire espagnol aux XVIe et XVIIe siècles. La première partie porte sur la construction politique de l’empire. La seconde se penche sur les structures socio-culturelles de l’Espagne du Siècle d’Or. Un ouvrage efficace pour maîtriser la chronologie de l’Espagne à l’époque moderne.

Bono, Salvatore, Schiavi : una storia mediterranea (XVI- XIX secolo), Bologne, Il Mulino, 2016.

Entre la Renaissance et l’époque napoléonienne, l’esclavage en Europe et dans les pays méditerranéens a touché six à sept millions de personnes : Africains noirs, Turcs, Arabes, Italiens, Espagnols, Portugais, Français, mais aussi Grecs, Juifs, Slaves, Magyars, et même Ukrainiens, Moscovites, Allemands, Anglais, Hollandais, Scandinaves. S’appuyant sur une documentation très riche, ce livre raconte leur histoire, des affrontements et des captures en mer et sur terre à la présence d’esclaves et d’esclaves dans la vie domestique et publique, en Europe comme de l’autre côté de la Méditerranée : forcés de ramer ou d’autres travaux sur des navires, exploités dans les chantiers navals et les mines, mais aussi engagés seuls comme barbiers,  tailleurs, gérants de magasin; ou, dans une relation qui n’excluait pas l’affection, les serviteurs, les dirigeants, les concubines. Une histoire largement oubliée mais qui appartient pourtant au sujet d’agrégation.

Bouquet, Olivier, Pourquoi l’Empire ottoman ? Six siècles d’histoire, Folio Histoire, 2002.

En quoi l’Empire ottoman fut-il exceptionnel ? Par la construction d’un État militaire et fiscal au service de la conquête ? Par une vaste implantation sur trois continents ? Comme l’expression ultime de l’universalisme musulman ? Comme la dernière formation impériale en Méditerranée orientale ? Cette synthèse s’appuie sur une historiographie récente pour éclairer les projections néo-ottomanes à l’œuvre dans la Turquie d’aujourd’hui et rend compte de la diversité des héritages de l’Empire au Proche-Orient, au Maghreb et en Europe. Olivier Bouquet tente de saisir ce caractère exceptionnel. Seuls les chapitres 2, 3 et 4 sont vraiment utiles au sujet.

*Boutry, Philippe (dir), Rendre ses vœux : les identités pèlerines dans l’Europe moderne (XVIe-XVIIIe siècle), Paris, Éditions de l’EHESS, 2000.

Un riche volume (589 pages) issu d’un séminaire de l’EHESS. La 1ère partie traite des foules pèlerines repérées dans les archives des hôpitaux romains de la Via Emilia ; la 2e partie propose des analyses des récits de voyage des pèlerins.

Braudel, Fernand, La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II, Paris, Armand Colin, 2017 [1949], 3 vols.

Trois volumes classiques, à connaître.

Braudel, Fernand, La Méditerranée. L’espace et l’histoire, Paris, Flammarion, 2009 [1977].

Un ouvrage classique, à connaître.

Braudel, Fernand, La Méditerranée. Les hommes et l’héritage, Paris, Flammarion, 2009 [1978].

Un ouvrage classique, à connaître.

Bregoli, Francesca, Mediterranean Enlightenment. Livornese Jews, Tuscan Culture, and Eighteenth-Century Reform, Stanford, Stanford University Press, 2014.

Une étude des communautés juives de Livourne, particulièrement importantes et privilégiées en Europe. Le livre offre donc une alternative aux histoires de l’intolérance des populations juives et de l’acculturation juive au XVIIIe siècle. Francesca Bregoli combine l’analyse culturelle avec une étude des développements institutionnels pour étudier les réponses juives à la pensée et à la politique des Lumières, ainsi que les perceptions non juives des Juifs, à travers une exploration des échanges culturels judéo-chrétiens, des sites de sociabilité et des politiques réformistes. Les Lumières méditerranéennes montrent que les érudits juifs livournais se sont engagés dans les idéaux des Lumières et aspiraient à contribuer à la société dans son ensemble sans affaiblir les frontières de la vie juive traditionnelle.

Brogini, Anne (dir), Mobilités en Méditerranée. Quotidiens, contrôles, assistances (XVe-XXe siècles), Saint- Denis, Bouchène, 2021.

Acte d’un colloque réunissant des historiens et des sociologues des deux rives de la mer. La Méditerranée, en tant qu’espace de contacts et d’échanges, a toujours été caractérisée par les circulations des navires, des biens et des personnes. Entre le XVIe et le XXIe siècle, ces mobilités ont régulièrement fait l’objet d’accueils, de rejets et de contrôles le long des côtes, dans les espaces réceptifs portuaires et littoraux. L’approche sur le long terme permet de saisir les permanences, en Méditerranée, des phénomènes de mobilités, encore accentués aujourd’hui par le creusement du différentiel économique entre les deux rives, et des conséquences qu’ils induisent (réactions parfois hostiles des populations, surveillance des autorités, prise de conscience des risques potentiels sur le plan économique, social et sanitaire). Les articles ciblent en particulier les motivations des populations migrantes de Méditerranée occidentales : leurs rêves de départ, leur parcours, leur installation, leur réception positive et négative. Tout n’est pas utile à la question d’agrégation.

*Brogini, Anne, 1565 : Malte dans la tourmente. Le « Grand Siège » de l’île par les Turcs, Saint-Denis, Bouchène, 2011.

Une histoire événementielle. En 1565, de mai à septembre, une gigantesque flotte turque assiège Malte, petite île située au sud de la Sicile, qui devient le théâtre inattendu d’une des étapes de l’affrontement séculaire entre les empires espagnol et ottoman pour la maîtrise de la Méditerranée. L’île a été concédée en fief à l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem par l’Empereur Charles Quint en 1530, après que l’Ordre a été chassé de Rhodes par le sultan Soliman le Magnifique en 1522. Quand les chevaliers s’y installent, Malte se trouve depuis déjà trois siècles dans l’orbite aragonaise, puis espagnole, et joue pauvrement le rôle de garde-fou de la Sicile, qui approvisionne en blé l’Espagne et la plupart des marchés de l’Europe du sud. La nouvelle inféodation de l’Ordre à la Monarchie Catholique, que suppose la donation de Malte, contraint les chevaliers à soutenir toutes les entreprises espagnoles, et plus largement chrétiennes en Méditerranée, dans le cadre d’une guerre religieuse menée contre l’Islam, tant par le biais de batailles navales que par celui d’une guerre de course qui se déploie notamment au large des côtes africaines. Dans ces conditions, Malte ne peut qu’attirer progressivement les regards musulmans, surtout barbaresques, au point de devenir un enjeu militaire. Au matin du 18 mai 1565, chevaliers et Maltais découvrent à l’embouchure du port une flotte composée de plus de deux cents voiles et de 30 000 soldats turcs et barbaresques ; face aux assaillants, l’Ordre ne peut aligner, le long de ses remparts, qu’une poignée de chevaliers commandant à moins de 10 000 chrétiens insulaires et étrangers. Quatre mois durant, la résistance acharnée de l’île, qui attend un secours chrétien promis, mais tardif, transforme ce qui aurait pu n’être qu’un fait d’armes parmi d’autres, en un événement véritable de la Méditerranée moderne. Les conséquences du « Grand Siège » de Malte sont en effet considérables : pour l’Ordre, qui se réapproprie une image de croisé victorieux, pour Malte qui devient l’incarnation de la résistance chrétienne, ainsi que son rempart fortifié et symbolique, et pour la Méditerranée occidentale où se dessine une nouvelle géopolitique. Car ce qui s’est joué à Malte en 1565, c’est bien la définition, puis la stabilisation au Ponant, d’une frontière maritime entre les rives, qui définit les aires d’influence maritimes des chrétiens et des musulmans et qui transforme l’île en un lieu stratégique de la Méditerranée.

**Brogini, Anne, Ghazali, Maria (dir), Des marges aux frontières : les puissances et les îles en Méditerranée à l’époque moderne, Paris, Classiques Garnier, 2010.

Les articles de cet ouvrage montrent comment, à l’époque moderne, les îles méditerranéennes passent d’un espace en marge d’un pays qui les domine à un espace-frontière. Elles deviennent un enjeu politique et économique pour différentes puissances. Soumises à l’affrontement entre chrétiens et musulmans, elles deviennent aussi des objets de rivalité entre Européens au XVIIIe siècle. Les îles comme la Corse, la Sardaigne, Malte, Chypre, Minorque, deviennent les composantes d’un système de défense de l’État qui les possède, et les lieux d’une intense activité guerrière et économique.

*Brogini, Anne, Ghazali, Maria (dir), La Méditerranée au prisme des rivages. Menaces, protections, aménagements en Méditerranée occidentale (XVe-XXe siècles), Saint-Denis, Bouchène, 2015.

Un ouvrage collectif et pluridisciplinaire sur les littoraux, interfaces maritimes où s’expriment aussi bien les échanges et les conflictualités. Une introduction théorique utile pour une introduction, et des études sur la Sicile, la rade de Vado, la défense d’Alger, Malte face à la piraterie barbaresque, la Corse génoise.

**Brummett, Palmira, Mapping the Ottomans : Sovereignty, Territory, and Identity in the Early Modern Mediterranean, New York, Cambridge University Press, 2015.

L’ouvrage propose de relire un autre regard qu’ont porté les Chrétiens sur le monde européen, à partir de l’étude des traités de géographie, des récits de voyage et de la cartographie à l’époque moderne. Il examine comment les Ottomans et leur empire ont été cartographiés dans l’imagination narrative et visuelle des royaumes chrétiens de l’Europe moderne. Les cartes servent de pièces maîtresses pour les discussions sur l’espace moderne, le temps, les frontières, les étapes du voyage, les flux d’informations, les invocations d’autorité et les relations interculturelles. Un angle original qui permet de nuancer certaines approches trop classiques et trop schématiques de l’opposition entre chrétiens et musulmans en Méditerranée.

*Burke, Ersie, The Greeks of Venice, 1498-1600. Immigration, Settlement, and Integration, Turnhout, Brepols, 2016.

Ce volume retrace l’histoire de la population grecque de Venise entre 1498 et 1600, lorsque des milliers de personnes ont quitté leur patrie pour Venise. Il décrit comment les Grecs ont établi de nouveaux réseaux communautaires et sociaux, et suit leur transition d’étrangers à initiés (mais pas tout à fait vénitiens) à travers une approche qui offre une perspective comparative entre le « natif » et l’immigrant. Il place les Grecs dans le contexte multiculturel, multiethnique et multilingue de Venise. Des histoires personnelles sont entrelacées tout au long pour un récit plus intime de la façon dont les gens vivaient, travaillaient, priaient et formaient de nouveaux réseaux sociaux. Ces récits ont été tirés de diverses sources recueillies dans les archives de l’État vénitien, les archives de l’église vénitienne et la documentation détenue par l’Institut hellénique de Venise. Les documents notariés, les pétitions, les registres gouvernementaux et paroissiaux, les registres des mariages et des décès et les données de recensement font partie des documents recueillis discutés ici. Surtout, cette étude vise à reconstituer la vie de la plus grande minorité ethnique et chrétienne du début de la Venise moderne, et à retracer le parcours de tous les immigrants, de l’étranger au local.

Burke, Peter, Languages and Communities in Early Modern Europe, Cambridge-New York, Cambridge University Press, 2004.

Une étude historiographiquement importante qui explore l’histoire sociale et culturelle des langues parlées ou écrites en Europe entre l’invention de l’imprimerie et la Révolution française. Peter Burke soutient que, d’un point de vue linguistique, 1450 à 1789 doit être considérée comme une période distincte. L’un des thèmes majeurs du livre est la relation entre les langues et les communautés (régions, églises, professions et genres ainsi que les nations) et la place de la langue comme moyen d’identifier les autres ainsi que comme symbole de sa propre identité. Un deuxième thème, connexe, est celui de la concurrence : entre le latin et les langues vernaculaires, entre différentes langues vernaculaires, dominantes et subordonnées, et enfin entre différentes variétés d’une même langue vernaculaire, comme les langues et dialectes standard. Écrit par l’un des plus grands historiens culturels d’Europe, ce livre restaure l’histoire des nombreuses langues d’Europe dans une grande variété de contextes.

**Buttay, Florence, Histoires véridiques de l’imposteur Giorgio del Giglio qui renia la foi chrétienne et prétendit servir Soliman le Magnifique, Paris, Payot, 2018.

Une biographie d’un personnage particulier. Giorgio del Giglio serait né en 1507 sur l’île de Giglio, appartenant à la cité de Sienne, alors disputée entre Médicis et Habsbourg et très exposée aux razzias barbaresques. Giorgio est connu à travers deux « récits de voyage » ainsi que d’autres sources dans les archives toscanes et vénitiennes. Ses récits sont mis en scène et Florence Buttay s’essaie à distinguer le vrai du faux pour ensuite (surtout) comprendre comment Giorgio del Giglio utilise des événements et des personnages connus pour composer une biographie qui pourrait plaire à ses lecteurs. C’est un ouvrage d’imposteur ; mais l’auteur est jugé paradigmatique de ces « personnages amphibies » qui circulent entre les différents mondes de la Méditerranée. Elle illustre l’univers mental de ces hommes. L’enquête est fascinante, c’est un bon exemple de biographie globale.

Caffiero, Marina, Baptêmes forcés. Histoire de juifs, chrétiens et convertis dans la Rome des papes, Paris, Honoré Champion, 2017.

Entre le XVIe et le XIXe siècle, en Italie comme dans toute l’Europe, les baptêmes forcés représentaient un phénomène social et culturel de grande importance se situant à l’origine des nombreux préjugés antisémites. L’analyse de ce phénomène permet de comprendre certaines racines historiques de l’antisémitisme politique des XIXe et XXe siècles et soulève des questions cruciales concernant l’histoire de la société européenne, notamment les problèmes politiques et idéologiques dus à la cohabitation de différentes religions et au rôle joué par les autorités ecclésiastiques. L’ouvrage qui porte une attention particulière à la ville de Rome, s’appuie sur une documentation très riche, entièrement inédite, provenant principalement des archives du Saint-Office.

***Calabi, Donatella, Christensen, Stephen  Turk  (dir), Cultural exchange in Early Modern Europe,  1400-1700, Cambridge, Cambridge University Press, 2007.

Une collection en 4 volumes qui s’intéressent aux échanges cultures en Europe. Le volume 1 examine le rôle de la religion en tant que vecteur d’échanges culturels. Le volume 2 examine l’accueil des étrangers dans les villes de l’Europe moderne. Le volume 3 explore la place de l’information et de la communication dans l’Europe moderne. Le volume 4 révèle comment les échanges culturels ont joué un rôle central dans la formation d’une première identité européenne. Des ouvrages très denses qui fournissent de solides études de cas choisies.

Calafat, Guillaume, « Mercanti, corsari e investimenti devozionali in una città nuova : L »‘altare dei Corsi » a Livorno nel Seicento », Quaderni Storici, 159, 2018, p. 739-772.

Calafat, Guillaume, « Osmanli-Speaking Diasporas : Cross-Diasporic      Relations      and       Intercommunity Trust  between  Marseilles,  Tunis  and  Livorno  (1600-  1650) », dans Georg Christ (dir),  Union  in  Séparation.  Diasporic  Groups  and  Identities  in  the Eastern Mediterranean (1100-1800), Rome, Viella, 2015, p. 613-624.

*Calafat, Guillaume, Une mer jalousée. Contribution à l’histoire de la souveraineté (Méditerranée, XVIIe siècle), Paris, Éditions du Seuil, 2019.

Le livre pose la question de la « possession » de la mer, de sa domination et de son contrôle. L’ouvrage est issu des travaux de thèse de Guillaume Calafat sur le XVIIe siècle. Les disputes entre Anglais, Portugais, Hollandais sur toutes les mers du monde se doublent d’une bataille des idées grâce à des juristes qui se spécialisent dans ces questions. L’étude analyse les principes et les arguments juridiques, historiques et philosophiques pour définir un premier « droit sur les mers ». Le propos sur la Méditerranée, au cœur des réflexions. Un ouvrage dense mais très utile qui analyse avec profondeur les catégories juridiques du droit sur la mer au XVIIe siècle.

CR Cliothèque

Canepari,  Eleonora,  «  Temporary  Housing  and Unsettled Population : Drivers of Urban Change in Early Modern Marseille and Rome », Journal of Early Modern History, 25,2021, p. 118-140.
Canepari, Eleonora (dir), Communautés et mobilités en Méditerranée (fin XVe siècle – milieu XVIIIe siècle), Ellipses, 2022.

Un manuel de concours.

**Carrangeot, Delphine, Chapron, Emmanuelle, Chauvineau, Hélène, Histoire de l’Italie du XVe au XVIIIe siècle, Paris, Armand Colin, 2015.

Un ouvrage à plusieurs mains sur une longue histoire de la péninsule. L’objectif de ce manuel pour étudiant est de fournir une synthèse complète en soulignant la richesse de cette période ainsi que les renouvellements de l’historiographie.

*Chaline, Olivier, La Mer vénitienne, Arles, Actes Sud, 2010.

Une histoire de la souveraineté vénitienne sur la mer Adriatique, alors que la République n’a jamais contrôlé la totalité des rives. Cette souveraineté s’est en réalité exercée par intervalles sur les flots et sur certains points de la côte. Ce qui compte, montre Olivier Chaline, c’est que l’Adriatique est moins considérée comme un espace maritime que comme une route maritime que parcourent les galères et les bâtiments de commerce, le long d’une côte dont le dédale d’îles est propice à la piraterie. Le livre traite donc de la relation entre Venise et cette portion de la Méditerranée, mais aussi entre la mer et les voies terrestres qui la relient à l’intérieur de l’Europe.

Chaline, Olivier, La mer et la France. Quand les Bourbons voulaient dominer les océans, Paris, Flammarion, 2016.

Une histoire de France qui met la mer au cœur du sujet. Toute la richesse de l’histoire maritime française est réutilisée autour de la question de l’extension de l’influence française par les équipages de la pêche, du commerce et de la guerre, des conditions de vie des marins, de leur formation, de leurs voyages. C’est le quotidien des gens de mer qui est traité. Le livre ne traite pas précisément de la question au programme mais il fournit des éléments concrets sur la vie en mer à l’époque moderne.

***Christ, Georg (dir), Union in separation : Diasporic Groups and Identities in the Eastern Mediterranean (1100- 1800), Rome, Viella, 2015.

Un ouvrage très dense (près de 800 pages). Il présente une série d’études de cas sur les groupes diasporiques dans les régions de la Méditerranée et de la mer Noire de la fin du Moyen Âge et du début de l’époque moderne. Il explore comment les communautés arméniennes, byzantines / grecques, florentines, génoises, hospitalières, juives, mamelouks et vénitiennes caractérisées par des identités diasporiques et insérées dans des contextes locaux ont navigué dans les frontières religieuses et socio-ethniques ainsi que d’autres catégories de différence. Une première partie propose des méthodes d’analyse des diasporas. Les chapitres suivants sont réunis autour de thèmes : les diasporas dans l’Egypte mamelouke ; le lien créé par les communautés arméniennes entre la Méditerranée et l’Asie centrale ; les communautés diasporiques de Rhodes ; les flux transculturels en mer Egée ; les transferts culturels, commerciaux et technologiques (certainement la partie la plus intéressante) ; les diasporas commerçantes ; les diasporas dans l’Italie de l’époque moderne.

Colletta, Teresa (dir), Città portuali del Mediterràneo. Luoghi dello scambio commerciale e colonie di mercanti stranieri tra Medioevo ed età moderna, Milan, FrancoAngeli, 2012.

Le volume se concentre sur la présence stable de colonies commerciales dans les villes portuaires, qui ont toujours été d’une grande attraction pour les communautés étrangères pour leurs échanges continus de marchandises et leurs activités marchandes et étudie, avec les contributions de chercheurs et de chercheurs de différentes universités italiennes et françaises, sur l’histoire urbaine des villes côtières de la Méditerranée, en France et dans le sud de l’Italie. Les thèmes portent sur le rôle joué dans le développement urbain de l’habitat « étranger », au Moyen Âge et à l’époque moderne, selon une stratégie d’aménagement urbain spécifique. Grâce à leur localisation et à leur spécialisation fonctionnelle, les relations étroites qui s’établissent dans l’espace urbain entre les colonies/nations et les espaces marchands et d’échange sont identifiées. Dans le même temps, l’attention est accordée à la construction d’architectures d’échanges commerciaux dans les villes portuaires, jusqu’à présent insuffisamment étudiées, tant sur les deux rives de l’Italie tyrrhénienne et adriatique (Bari, Tarente, Brindisi, Reggio, Salerne), que sur les colonies Arberesh et dalmates des côtes molise et calabraise, et dans le sud de la France et se concentre sur les capitales, telles que Naples et Marseille, mais aussi sur Famagouste et Akko en Méditerranée orientale.

**Crouzet-Pavan, Élisabeth, Venise : VIe-XXIe siècle, Paris, Belin, 2021.

Une longue histoire de Venise en 700 pages. Tous les chapitres ne sont pas utiles. En tout cas, ce sont toutes les vies successives de Venise qui sont clairement exposées par Elisabeth Crouzet-Pavan, une spécialiste de l’histoire des cités italiennes.

CR Cliothèque

Dakhlia, Jocelyne (dir), Trames de langues. Usages et métissages linguistiques dans l’histoire du Maghreb, Tunis, Institut de recherche sur le Maghreb contemporain, 2004.

Actes d’un colloque de l’EHESS. L’ouvrage réunit 30 articles répartis en 8 chapitres : des plurilinguismes dans l’histoire ; brassage et réappropriations ; évincements, dominations ; dynamiques du mixte et du distinct ; passages et passeurs ; territoires et frontières de la langue ; l’air du temps ; la langue de l’état moderne) plus huit articles de synthèse/lecture transversales. L’objectif est de saisir les usages linguistiques du Maghreb en mettant en évidence la fluidité des pratiques, le plurilinguisme, la labilité des frontières linguistiques.

***Dakhlia, Jocelyne, Vincent, Bernard (dir), Les Musulmans dans l’histoire de l’Europe, vol. 1, Une intégration invisible, Paris, Albin Michel, 2011.

Le premier tome d’un vaste projet éditorial contre l’illusion historique selon laquelle l’Europe et le monde musulman s’ignoraient mutuellement jusqu’au XIXe siècle. L’enquête recense les musulmans « visibles » comme les diplomates, mais surtout les populations « transparentes » ou « invisibles » : les négociants, voyageurs, exilés politiques, esclaves, captifs, galériens. Ce sont des populations que les sources documentaires historiographiques taisent volontairement. L’ouvrage cherche donc à proposer des méthodologies pour les faire revivre.

***Dakhlia, Jocelyne, Kaiser, Wolfgang (dir), Les Musulmans dans l’histoire de l’Europe, vol. 2, Passages et contacts en Méditerranée, Paris, Albin Michel, 2013.

Le deuxième tome. Un livre de grande envergure qui embrasse une grande Méditerranée du XVe au XIXe siècles. L’analyse des interactions entre toutes les religions est très approfondie et c’est l’un des principaux avantages du livre. Il s’agit d’une vraie histoire connectée. Une idée importante est liée au concept de « l’entre-deux » : alors que les braudéliens définissent une Méditerranée « homogène » et que les défenseurs d’Huntington parlent de « choc de civilisations », l’enquête recherche plutôt les dynamiques réciproques. Elle insiste sur l’entre-deux, l’hybride. Le concept valorise donc les figures des passeurs, des gens de l’entre-deux, le middle-ground. Les articles riches sont donc d’un très grand intérêt pour la question.

**Dakhlia, Jocelyne, Lingua franca. Histoire d’une langue métisse en Méditerranée, Arles, Actes Sud, 2008.

L’ouvrage tente de retracer l’histoire d’une langue disparue, qui a eu à la fois une histoire et une géographie, du XVIe siècle au début de la conquête de l’Algérie par l’armée française en 1830. La géographie est celle de la Méditerranée occidentale.

***Davis, Natalie Zemon, Léon l’Africain.  Un voyageur entre deux mondes, Paris, Payot et Rivages, 2007.

Un ouvrage d’histoire globale. Léon l’Africain est un musulman capturé par un pirate espagnol en Méditerranée en juin 1518, converti au christianisme, auteur d’une Description de l’Afrique rédigée pour ses interlocuteurs et nouveaux coreligionnaires européens, et sans doute reparti pour le Maghreb en 1527 ou 1528, a en effet vécu entre deux mondes, comme le dit le titre du livre. Le livre retrace la vie de ce diplomate érudit qui fait le trait d’union entre les deux rives opposées de la Méditerranée au XVIe siècle

Dubost, Jean-François, Sahlins, Peter, Et si on faisait payer les étrangers ? Louis XIV, les immigrés et quelques autres, Paris, Flammarion, 1999.

A partir de la taxe que Louis XIV et son administration veulent prélever sur les étrangers du royaume de France en 1697, les deux auteurs cherchent à comprendre le statut des étrangers aubains et celui des naturalisés du royaume. Il s’agit d’une lecture politique de l’édit royal : après la capitation de 1695 et en pleine guerre de la Ligue d’Augsbourg, comment le roi absolu peut-il imposer sa volonté sur des personnes qui ne sont pas ses sujets, et quelles résistances peut-il rencontrer ? Une réflexion à connaître, à défaut de la lire entièrement.

Dursteler, Eric, « Speaking in tongues : Language and communication in the early modern Mediterranean », Past & Present, 217,2012, p. 47-77.
Eldem, Edhem (dir), The Ottoman City between East and West. Aleppo, Izmir, and Istanbul, Cambridge, Cambridge University Press, 1999.

Les articles rassemblés ici tentent de normaliser les villes ottomanes, de démontrer comment, d’une part, elles ressemblaient aux villes en général et comment, d’autre part, leurs histoires spécifiques les individualisaient. Le deuxième objectif est de remettre en question la littérature historiographique précédente et de négocier un programme pour les études futures. En considérant les histoires narratives d’Alep, d’Izmir et d’Istanbul, le livre s’éloigne des méthodes fragmentaires des études précédentes, soulignant leur importance aux XVIIe et XVIIIe siècles et soulignant leur caractère essentiellement ottoman. Bien que les essais fournissent une vue d’ensemble, chacun peut être abordé séparément. Leur exploration des sources et des programmes de ceux qui ont conditionné la compréhension savante de ces villes en fera une lecture essentielle pour les étudiants.

Elliott, John H., Imperial Spain, 1469-1716, Londres, Penguin books, 2002 [1963].

L’une des meilleures histoires de l’Espagne, depuis ses humbles débuts en tant que l’un des pays européens les plus pauvres et les plus marginaux est remarquable et dramatique. Avec le mariage de Ferdinand et Isabelle, l’expulsion finale des musulmans et la découverte de l’Amérique, l’Espagne a pris un dynamisme apparemment imparable qui en a fait la première puissance mondiale du monde. Ce succès étonnant a cependant créé de nombreux ennemis puissants et le livre d’Elliott se poursuit jusqu’à la chute dramatique de l’Espagne des Habsbourg avec le même élan qu’il retrace l’ascension. Un ouvrage à connaître.

**Engels, Marie-Christine, Merchants, Interlopers, Seamen and Corsairs. The « Flemish » Community in Livorno and Genoa (1615-1635), Hilversum, Ultgeverij Verloren, 1997.

La thèse de l’historienne, réduite à 346 pages. Une étude de la présence des Néerlandais en Méditerranée à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle (un sujet déjà défriché par Fernand Braudel en 1951 à partir des relevés des navires dans le port de Livourne). L’ouvrage insiste en particulier sur la personne de Bernanrd Van den Broecke et sur la compagnie maritime qu’il fonde à Livourne et qui l’enrichit grâce à ses activités méditerranéennes.

Faget, Daniel, Marseille et la mer. Hommes et environnement marin (XVIIIe-XXe siècle), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011.

Cette étude analyse les rapports entre la société urbaine du golfe de Marseille et son écosystème, entre le début du XVIIIe et le milieu du XXe siècle, période marquée par l’appauvrissement des espaces marins et le déclin de la pêche. La maîtrise du golfe de Marseille a longtemps opposé patrons marseillais, pêcheurs espagnols et marins napolitains. Soumises à une exploitation trop intensive, certaines espèces ne sont plus que rarement observées lorsque s’achèvent les temps révolutionnaires. La certitude d’un appauvrissement inexorable des espaces marins gagne alors progressivement les populations littorales. Elle ne quittera plus le port jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale.

**Faroqhi, Suraiya N. (dir), The Cambridge History of Turkey, vol. 3, The Later Ottoman Empire 1603-1839, Cambridge, Cambridge University Press, 2006.

Une excellente synthèse de la série Cambridge History of… qui retrace l’histoire de l’Empire ottoman de la mort du sultan Mehmed III à la proclamation du Tanzimat. L’ouvrage se concentre notamment sur les tensions entre l’élite dirigeante à Istanbul et leurs sujets provinciaux. D’autres sections se concentrent sur les groupes religieux et politiques, les femmes, le commerce, la vie rurale et, surtout, la musique, l’art et l’architecture. L’histoire met l’accent sur les réalisations politiques, culturelles et artistiques des Ottomans dans la période post-classique, remettant ainsi en question les notions traditionnelles selon lesquelles il s’agissait d’une période de stagnation. Tous les chapitres ne sont pas nécessaires, mais il peut être utile de piocher quelques informations dans les pages de ce long ouvrage.

Faroqhi, Suraiya, Veinstein, Gilles (dir), Merchants in the Ottoman Empire, Louvain-Paris, Peeters, 2008.

Un livre sur les marchands dans l’empire ottoman, qui participe au renouvellement récent de l’historiographie de l’Empire. Les auteurs étudient ce qu’ils appellent la « Venice Connection » : les activités des Ottomans à Venise, des Vénitiens à Chypre ou à Istanbul, le rôle des Levantins, des Grecs, des Arméniens… L’ouvrage est pluridisciplinaire et moderne, post-Wallerstein (qui insistait sur le modèle marxiste du centre et des périphéries) ; il montre une image renouvelée du dynamisme de l’Empire ottoman dans son environnement proche et dans ses relations avec les voisins.

Fattori, Niccolo, Migration and Community in the Early Modern Mediterranean. The Greeks of Ancona, 1510-1595, Cham, Palgrave Macmillan, 2019.

Ce livre analyse les processus de formation, de consolidation et de dissolution de la communauté migrante à Ancône, une ville portuaire italienne du XVIe siècle, en la reliant au développement plus large qui a eu lieu en Europe et en Méditerranée. Le livre examine d’abord pourquoi les migrants ont décidé de quitter leur pays d’origine dans certaines parties de la région égéenne gouvernée par les Ottomans, les Vénitiens et les Génois. Il décrit ensuite les mécanismes d’installation, d’insertion professionnelle et d’intégration que les migrants ont entrepris dans le tissu social de leur nouvelle ville d’accueil. Le livre examine comment les migrants se sont organisés en une confrérie dévotionnelle et le rôle que cette institution a joué dans la croissance de la communauté. Enfin, il examine comment la communauté s’est dissoute à la fin du XVIe siècle, face à la pression croissante du clergé catholique réformé après le concile de Trente. C’est une approche moderne de la diaspora grecque, qui explore la dynamique de la migration et de la communauté au début de la Méditerranée moderne à travers le prisme des liens sociaux.

Fazio, Ida, Il porto franco di Messina nel lungo XVIII secolo.  Commercio, fiscalità e contrabbandi, Rome, Viella, 2021.

Une étude courte des ports francs en Méditerranée à travers l’exemple de Messine. Dans un réseau mondial précoce, et face à un modèle incontesté, Livourne, Messine a obtenu le port franc à la fin du XVIIe siècle, et pendant le long XVIIIe siècle a essayé d’en faire la force motrice de sa relance. Ce statut est contradictoire et complexe dans une Méditerranée dominée par des compétitions mercantilistes, puisqu’il maintient des libertés et en même temps des privilèges ; il offre des avantages aux commerçants, sert d’entrepôt du commerce extérieur et de la contrebande, et favorise en même temps le commerce de l’Etat. Il se mesure aux autres ports francs et aux transformations du commerce méditerranéen. L’étude apporte une approche complexe de ce statut particulier.

*Fettah, Samuel, Les limites de la cité : espace, pouvoir et société à Livourne, XVIIe-XIXe siècle, Rome, École française de Rome, 2017.

La thèse de l’auteur, soutenue en 2000. Une vision panoramique sur 3 siècles de l’évolution de la ville, de ses institutions, de ses fonctions économiques et de sa société cosmopolite et ouverte, à l’intérieur du Grand-Duché de Toscane.

Fierro, Maribel (dir), The New Cambridge History of Islam, vol. 2, The Western Islamic World, Eleventh to Eighteenth Centuries, Cambridge, Cambridge University Press, 2010.

Une excellente synthèse de la série Cambridge History of… qui est consacré à l’histoire des terres islamiques occidentales depuis la fragmentation politique du XIe siècle jusqu’aux débuts du colonialisme européen vers la fin du XVIIIe siècle. Le volume englobe une vaste zone allant d’al-Andalus et de l’Afrique du Nord à l’Arabie et aux terres des Ottomans. La dernière section du volume explore les points communs et les continuités qui unissent les communautés diverses et géographiquement disparates de l’Islam, à travers des analyses approfondies de la formation de l’État, de la conversion, de la fiscalité, de l’érudition et de l’armée. Tous les chapitres ne sont pas nécessaires, mais il peut être utile de piocher quelques informations dans les pages de ce long ouvrage.

Firges, Pascal W., (dir), Well-Connected Domains : Towards an Entangled Ottoman History, Leyde-Boston, Brill, 2014.

Une histoire récente de l’Empire ottoman dans ses relations croisées avec ses périphéries et le reste du monde. L’Empire ottoman y est présenté comme une portion du monde, observé à une échelle méditerranéenne globale.

Foa, Anna, Ebrei in Europa : dalla peste nera all’emancipazione, XIV-XVIII secolo, Rome, Laterza, 2004.

Le livre est une synthèse qui raconte six siècles d’histoire des Juifs en Europe, du XIVe siècle au seuil du XXe siècle : une histoire qui est celle des Juifs de l’Occident chrétien, des conditions de leur existence, des relations avec la culture extérieure, de l’exil et de la migration, de l’enfermement dans les ghettos et de la vitalité sociale et culturelle.

**Fontenay, Michel, La Méditerranée entre la Croix et le Croissant : navigation, commerce, course et piraterie, XVIe-XIXe siècles, Paris, Classiques Garnier, 2010.

L’ouvrage s’intègre dans un renouveau des études historiques sur les affrontements entre musulmans et chrétiens. Le prétendu « choc des civilisations » n’est pas étranger à cette attention renouvelée. Une vieille historiographie continue d’insister sur les croisades, le jihad et la Reconquista, voyant dans la rivalité entre les Espagnols et les Ottomans une résurgence du « mythe de la croisade », comme si la lutte entre Islam et Chrétienté était une composante structurelle du monde méditerranéen. La Méditerranée serait alors une « mer en armes ». L’idée n’est peut-être pas totalement fausse, mais elle doit être nuancée. L’ouvrage de Michel Fontenay, spécialiste du corso (la guerre de course sous couvert de religion) s’intéresse aux autres formes de contact entre tous les riverains de la mer intérieure. Ce sont plusieurs articles écrits entre 1973 et 2007 qui fournissent un regard complet sur le travail de cet historien reconnu.

***Fuess, Albrecht, Heyberger, Bernard (dir), La frontière méditerranéenne du XVe au XVIIe siècle. Échanges, circulations et affrontements, Turnhout, Brepols, 2013.

Un ouvrage inspiré par la pensée braudélienne. Le cadre méditerranéen oscille entre l’unité (économique et culturelle), et ses divisions radicales (entre Islam et Chrétienté). Il rassemble des spécialistes des deux bords de la mer et permet de connecter des historiographies. L’ouvrage permet d’appréhender rapidement des notions moins connues par des étudiants « occidentaux » et incarne donc bien le sens du sujet d’agrégation autour de la notion de « rencontre culturelle ».

***Fusaro, Maria (dir), Échanges culturels et commerciaux dans la Méditerranée moderne : l’héritage maritime de Fernand Braudel, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2021.

Un ouvrage récent qui permet de prolonger les réflexions braudéliennes sur la Méditerranée de la « première modernité ». Six interventants confrontent le livre de Fernand Braudel aux nouvelles recherches écrites dans d’autres perspectives : la navigation commerciale, les croisières militaires, la guerre de course, les épidémies, l’esclavage et ses mémoires, la croisade, la piraterie…

Garcia-Arenal, Mercedes (dir), Conversions islamiques. Identités religieuses en Islam méditerranéen, Paris, Maisonneuve et Larose, 2001.

Actes d’un colloque organisé en 1997. L’ouvrage est divisé en 3 parties : Moyen Age, Epoque moderne, Epoque contemporaine. Plusieurs études de cas précises, par des spécialistes des questions de conversion religieuse.

Garcia-Arenal, Mercedes, « Les bildiyyîn de Fès, un groupe de néo-musulmans d’origine juive  »,  Studia  Islamica, 66,1987, p. 113-143.
Garcia-Arenal, Mercedes, Wiegers, Gérard (dir), The Expulsion of the Moriscos from Spain. A Mediterranean Diaspora, Leyde-Boston, Brill, 2014.

L’expulsion des Morisques d’Espagne (1609-1614) représente un épisode important de nettoyage ethnique, politique et religieux qui a touché environ 300 000 personnes. La mesure controversée a été légitimée par une idéologie d’unité religieuse et politique qui a servi à défendre l’expulsion de tous, crypto-musulmans et convertis sincères au christianisme. L’ouvrage revient sur ce processus. La première partie se concentre sur la décision d’expulser les Morisques, son contexte historique et le rôle d’institutions telles que le Vatican et les ordres religieux, et des nations telles que la France, l’Italie, la République néerlandaise, le Maroc et l’Empire ottoman. La deuxième partie étudie les conséquences de l’expulsion, les migrations forcées, l’installation et la diaspora des Morisques, en comparant leurs vicissitudes à celles des conversos juifs.

**Garcia-Arenal, Mercedes, Wiegers, Gérard, Un hombre en tres mundos : Samuel Pallache, un judío marroquí en la Europa protestante y en la católica, Madrid, Siglo XXI, 2007.

À la fin du XVe siècle, beaucoup de Juifs expulsés d’Espagne s’installèrent au Maroc, et à Fès ils formèrent une communauté remarquablement grande, d’une grande vitalité. Tout au long du XVIe siècle, diverses familles juives acquièrent un rôle de premier plan dans la vie publique de leur nouveau pays. Samuel Pallache était l’un de ces Juifs d’origine hispanique qui, au début du XVIIe siècle, servit le sultan du Maroc comme agent diplomatique et commercial en Hollande. Mais auparavant, il avait essayé de s’installer en Espagne pour laquelle il était prêt à se convertir au catholicisme ; pour prouver sa sincérité, il a agi comme un espion en faveur de la Cour espagnole. Le livre suit sa vie. Tout au long de sa vie, Pallache a été marchand d’armes, contrebandier, agent double, espion, se déplaçant entre le Maroc, l’Espagne et le Portugal, les Pays-Bas et l’Angleterre, où il a été arrêté et jugé comme pirate. En examinant la vie de Samuel Pallache et des membres de sa famille, les auteurs abordent divers aspects du rôle de la diaspora séfarade dans le monde méditerranéen et dans la création de la communauté d’Amsterdam. L’identité religieuse changeante et apparemment ambiguë de Pallache et de sa famille, l’utilisation qui en est faite par les autorités des pays dans lesquels ils vivaient, et qui ont utilisé leur manque apparent de loyauté, sont des aspects fascinants. L’étude est basée sur une recherche minutieuse dans les archives en Espagne, au Portugal et aux Pays-Bas. Le monde de Pallache est en fait un mycosme de la haute société moderne, un monde beaucoup plus interconnecté, cosmopolite et fluide qu’on ne le pense habituellement. L’histoire du Pallache montre les liens du Maroc avec l’Europe protestante et catholique, ainsi qu’avec le commerce méditerranéen et atlantique. L’histoire de Pallache et de sa famille est à la fois exceptionnelle et représentative de ces communautés juives vivant entre deux continents et trois confessions religieuses et de la manière dont elles se sont adaptées ou ont profité de leur situation. Un exemple d’histoire globale située.

Ghobrial, John-Paul A., « Migration from within and without :  in the footsteps of Eastern Christians in   the early modern world », Transactions of the Royal Historical Society, 27,2017, p. 153-173.
Ghobrial, John-Paul A., « The Ottoman World of ‘Abdallah Zakher. Shuwayr Bindings in the Arcadian Library », dans Giles Mandelbrote et Willem de Bruijn (dir), The Arcadian Library : Bindings and Provenance, Oxford, Oxford University Press, 2014, p. 193-231.
Girard, Aurélien (dir), Livres et confessions chrétiennes orientales. Histoire connectée entre Empire ottoman, monde slave et Occident (XVIe-XVIIIe siècles), Turnhout, Brepols, 2022.

Le livre se propose d’étudier le rôle joué par le livre dans la construction des cultures confessionnelles des Orients chrétiens. La circulation du livre est envisagée sous tous ses aspects, de la commande à la production, de la diffusion aux usages. L’introduction est intéressante, de même que l’article de Giovanni Pizzorusso sur l’imprimerie de la Propagande Fide au XVIIIe siècle, celui de Bernard Heyberger sur les réseaux de collaboration et enjeux de pouvoir autour de la production de livres imprimés en arabe chez les chrétiens, celui de Francisco del Rio Sanchez sur les bibliothèques maronites d’Alep et l’identité collective.

**Goffman, Daniel, Britons in the Ottoman Empire, 1642- 1660, Seattle, University of Washington Press, 1998.

L’auteur cherche à recréer la vie de certains des Anglais qui se sont adaptés ou n’ont pas réussi à s’adapter à la vie, au commerce et à la politique dans l’Empire ottoman pendant la tourmente des guerres civiles et de l’interrègne intérieur. Il s’agit donc de plusieurs études de cas, de « biographies multisituées » : Henry Hyde, un aventurier royaliste habile à manipuler la société ottomane à ses propres fins, qui a finalement perdu le jeu politique, et avec lui, sa tête ; Sir Sackvile Crow, ambassadeur de Charles Ier à Istanbul, qui tenta d’aider son roi et amena la guerre civile anglaise au Levant ; Sir Thomas Bendysh, le successeur ambassadeur du précédent… L’auteur montre comment les Anglais de l’Empire ottoman au milieu du XVIIe siècle se sont adaptés à une société profondément étrangère. Ensemble, ils se sont fondus dans la grande diversité qu’était le royaume ottoman et ont jeté les bases d’un réseau commercial et diplomatique que leurs successeurs forgeraient en un grand empire en Asie.

Goldman, Wendy Z., Trotter, Joe William (dir), The Ghetto in Global History : 1500 to the Present, New York, Routledge, 2018.

Une approche globale du concept, autant que des lieux. En tant que concept, politique et expérience, le ghetto a servi à maintenir des hiérarchies sociales, religieuses et raciales au cours des cinq derniers siècles. Le livre permet de faire des comparaisons stimulantes à travers le temps et l’espace entre des ghettos qui ne sont généralement pas étudiés les uns à côté des autres. Les contributeurs explorent les questions de discours, de pouvoir et de contrôle ; elles examinent les structures internes de l’autorité qui ont prévalu ; elles documentent les expériences vécues par les habitants du ghetto. En discutant des ghettos à la fois comme outils de contrôle et comme lieux de résistance, ce livre offre une gamme sans précédent et fascinante d’interprétations des significations du « ghetto » à travers l’histoire.

Gourdin, Philippe, Tabarka :  histoire et archéologie d’un préside espagnol et d’un comptoir génois en terre africaine : XVe-XVIIe siècle, Rome, École Française de Rome, 2008.

Une monographie richement illustrée sur l’histoire de Tabarka, un comptoir situé sur une île au large de l’actuelle Tunisie, entre le XVe et le XVIIIe siècle, période de la présence européenne. Les fouilles archéologiques menées par Philippe Gourdin révèlent que ce comptoir génois (spécialisé dans la pêche au corail, l’exportation des produits maghrébins et la traite des céréales) a été un lieu de rencontre et un enjeu entre les différentes puissances voisines, mais aussi celles plus distantes géographiquement.

Grangaud, Isabelle, La ville imprenable : une histoire sociale de Constantine au XVIIIe siècle, Paris, Éditions de l’EHESS, 2002.

Une étude de la mégapole méditerranéenne durant une partie de la vie de Salah Bey (1771-1792), un obscur soldat originaire de Smyrne, devenu chef de la province de l’Est, destitué, puis étranglé après une tentative de révolte. Une histoire sociale des populations de Constantinople contemporaines de Salah Bey.

**Greene, Molly, A Shared World. Christians and Muslims in the Early Modern Mediterranean, Princeton, Princeton University Press, 2000.

L’historienne tente de dépasser le clivage entre « chrétiens » et « musulmans » pour révéler une société globale beaucoup plus riche de dynamiques culturelles et sociales. Elle se concentre sur la Crète, passée de la domination vénitienne à l’Empire ottoman en 1669. Dans quelle mesure la conquête a-t-elle réellement changé la vie des Crétois ? L’auteure soutient qu’aucune division nette ne séparait les époques vénitienne et ottomane parce que les Crétois faisaient déjà partie d’un monde où les chrétiens latins, les musulmans et les chrétiens orthodoxes orientaux se mélangeaient depuis plusieurs siècles, en particulier dans le domaine du commerce.

***Greene, Molly, Catholic Pirates and Greek Merchants : A Maritime History of the Mediterranean, Princeton, Princeton University Press, 2010.

Une approche d’une sphère majeure du monde maritime moderne, longtemps sous-estimée au profit du versant atlantique de l’histoire maritime. Molly Greene enquête sur les conflits entre les pirates catholiques de Malte – les Chevaliers de Saint-Jean – et leurs victimes, les marchands grecs qui commerçaient dans les eaux méditerranéennes, et utilise ces conflits comme une fenêtre sur un ordre maritime international beaucoup plus ambigu qu’on ne le pensait auparavant. Les Grecs, en tant que sujets chrétiens des Ottomans musulmans, étaient l’incarnation même de cette ambiguïté. Une grande attention a été accordée aux pirates musulmans tels que les corsaires barbaresques, en mettant l’accent sur la violence entre musulmans et chrétiens. Greene fouille dans les archives du tribunal des pirates de Malte – qui a théoriquement offert réparation à ces victimes chrétiennes – pour brosser un tableau beaucoup plus complexe et montrer que les pirates, loin d’être en dehors de la loi, étaient des acteurs essentiels dans les négociations continues de légalité et d’illégalité en mer Méditerranée.

Grenet, Mathieu (dir), La maison consulaire : espaces, fonctions et usagers, XVIe-XXIe siècle, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2021.

Les consuls ont longtemps été relégués au second plan de la recherche. Depuis une vingtaine d’année, on assiste à un renouveau du sujet. Ce volume s’insère dans ce renouveau. Ce sont les actes d’un colloque organisé à Albi en 2019. Les articles s’intéressent à la fois au lieu (la résidence du consul), c’est-à-dire à leur organisation spatiale, à leur architecture, à leur implantation dans l’espace urbain, aux modalités de leur occupation.

Hamilton, Alastair, The Copts and the West, 1439-1822. The European Discovery of the Egyptian Church, Oxford, Oxford University Press, 2006.

L’ouvrage porte sur la découverte des coptes par les Européens. Il observe de près le processus de la rencontre et de la naissance d’une Eglise copte en Egypte. Un ouvrage complet qui montre surtout que par-delà la création historique de cette Eglise, se joue aussi l’histoire d’une invention des coptes par les catholiques entre 1439 et 1822. Un ouvrage brillant écrit par un orientaliste de renom, sur un aspect moins central du sujet d’agrégation, mais qui mérite toutefois d’être connu et utilisé, au moins cité.

*Hein, Carola (dir), Port Cities :  Dynamic  Landscapes  and Global Networks,  Londres-New  York,  Routledge,  2011.

Une collections de travaux de recherche qui examinent de manière exhaustive et globale l’évolution de l’environnement bâti et urbain des villes portuaires. Par une approche comparée, ils explorent les similitudes, les dissemblances et la façon dont la mise en réseau maritime a influencé les paysages et l’architecture urbaines, le développement socio-économique et culturel du XIXe au XXIe siècle. La première section examine les réseaux mondiaux reliant les ports et les villes et explore l’effet des transferts intercontinentaux sur l’architecture et la planification. La deuxième partie se concentre sur les villes portuaires interconnectées dans des contextes régionaux, en analysant les structures socio-économiques et la forme urbaine et bâtie. La troisième section examine l’environnement bâti de villes sélectionnées en fonction de leur réponse à l’évolution de la technologie, à la transformation des réseaux socio-économiques et des contextes politiques, ainsi qu’à l’évolution des concepts de conception. Dans l’ensemble, le livre propose une analyse en réseau de l’environnement bâti et urbain, affirmant que les réseaux maritimes internationaux sont paradigmatiques pour la création de « paysages urbains portuaires » dynamiques, multi-échelles et interconnectés.

Hershenzon, Daniel, The Captive Sea. Slavery, Communication, and Commerce in Early Modern Spain and the Mediterranean, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 2018.

L’ouvrage s’inscrit dans un large mouvement d’interrogations sur la place occupée par le monde méditerranée à l’époque moderne et de renouvellement des visions braudéliennes sur cet espace particulier. Daniel Hershenzon avance l’idée (assez classique, mais battue de plus en plus en brèche) que les échanges y ont été très intenses, contredisant le « choc des civilisations ». Il examine pour cela le phénomène de la captivité autour de 3 corridors privilégiés des relations entre les rives : de l’Andalousie aux côtes marocaines, des îles Baléares et du Levant espagnol à la côte d’Alger, de la Sicile et de Malte à Tunis. Il examine d’abord la vie sociale des captifs. La rançon est le fil conducteur de l’ouvrage.

Heyberger, Bernard (dir), Les chrétiens de tradition syriaque à l’époque ottomane, Paris, Geuthner, 2020.

Une collection d’articles sur les maronites, les syriaques orthodoxes et les chrétiens de l’Eglise orientale qui montrent la très grande hétérogénéité des situations des chrétiens dans l’empire ottoman.

Heyberger, Bernard (dir), Orientalisme, science et controverse : Abraham Ecchellensis (1605-1664), Turnhout, Brepols, 2010.

Actes d’un colloque tenu au Collège de France en 2006 qui racontent en 240 pages l’histoire d’une figure méconnue de l’orientalisme européen. Un ouvrage incontournable sur l’histoire de la République des Lettres et de l’érudition orientaliste au XVIIe siècle.

Heyberger, Bernard, Hindiyya, mystique et criminelle (1720-1798), Paris, Aubier, 2001.

Une étude de la vie d’Hindiyya, une jeune bourgeoise d’Alep, adepte de devotio moderna, mystique et thaumaturge, qui veut créer un ordre voué au Sacré-Cœur. Objet d’une vénération populaire, elle a été accusée par Rome d’abus de sainteté et même de conduite criminelle à l’égard des religieuses dont elle avait la charge. L’auteur relit ce cas comme un des conflits entre Orient et Occident, un conflit d’autorité et un conflit de spiritualité. L’ouvrage se lit comme un roman et la personne d’Hindiyya mérite d’être citée dans une copie.

Heyberger, Bernard, Middle Eastern and European Christianity, 16th-20th Century : Connected Histories, Édimbourg, Edinburgh University Press, 2022.

L’auteur, spécialiste de cette question, apporte un nouvel éclairage sur des aspects de l’histoire connectée du Proche-Orient autour de l’étude du christianisme oriental. Son approche d’histoire globale située se concentre sur les questions d’espace et de circulation des personnes, des textes et des objets. Il aborde en particulier une histoire sociale et culturelle du catholicisme moderne. Il incarne ainsi la méthodologie la plus récente de la recherche historique.

***Horden, Peregrine, Kinoshita, Sharon (dir), A Companion to Mediterranean History, Chichester, Wiley-Blackwell, 2014.

L’ouvrage présente un large aperçu de l’histoire de la Méditerranée du néolithique à nos jours, rassemblant des chercheurs de plusieurs disciplines. Il fournit une introduction précieuse aux débats actuels sur l’histoire méditerranéenne et aide à définir le champs des futures recherches ; il couvre les développements historiques nombreux ; il permet un dialogue entre plusieurs disciplines et fournit de nombreuses études de cas utilisables rapidement dans une dissertation : le climat, la faune et la flore, la piraterie, la cartographie, les maladies, l’esclavage, la culture matérielle, la lingua franca, les sanctuaires, les contacts entre la Méditerranée et les autres océans…

X https://clio-prepas.clionautes.org/a-companion-to-mediterranean-history-introduction.html

ET

https://clio-prepas.clionautes.org/a-companion-to-mediterranean-history-3eme-partie.html

ET

https://clio-prepas.clionautes.org/a-companion-to-mediterranean-history-4eme-partie.html

ET

https://clio-prepas.clionautes.org/a-companion-to-mediterranean-history-5eme-partie.html

ET

https://clio-prepas.clionautes.org/a-companion-to-mediterranean-history-6eme-partie.html

 

***Horden, Peregrine, Purcell, Nicholas, The Corrupting Sea. A Study of Mediterranean History, Oxford, Blackwell, 2000.

Un ouvrage majeur. Une histoire sur le long terme de la Méditerranée qui prolonge largement l’ouvrage de Fernand Braudel. Cette mer se caractérise par sa « connectivity », mais aussi par son caractère parcellaire (elle est composée d’une infinité de « micro-régions » différentes les unes des autres) et par les différences d’intégration des habitants dans leur milieu méditerranéen selon l’environnement naturel. Ces trois approches, les auteurs les répètent, les explicitent, les démontrent tout au long du livre. Il s’agit d’une histoire totale et globale de toute la Méditerranée, très érudite.

Howard, Douglas, A History of the Ottoman Empire, Cambridge, Cambridge University Press, 2017.

Ces dernières décennies, l’histoire de l’Empire ottoman a été fortement renouvelée. L’ouvrage participe à ce renouvellement en proposant une histoire chronologique de l’empire, depuis le XIVe siècle jusqu’à 1924.

*Iancu-Agou, Danièle (dir),  L’expulsion des  Juifs  de Provence et de l’Europe  méditerranéenne  (XVe-  XVIe siècles). Exils et conversions, Paris-Louvain, Peeters, 2005.

Actes d’un colloque organisé en 2001 pour le 500e anniversaire de l’expulsion des Juifs de Provence. Trois parties : « les Juifs en Provence au XVe siècle », « de l’insertion à l’expulsion, les chemins de l’exil provençal » et « les conversos-néophyte [les convertis] (typologie) ». Les articles font revivre ces multiples petites communautés provençales avant et après le bannissement de 1500-1501. Ils décrivent les routes de l’exil, les conversions et les destinées de certains groupes. Un article porte également sur l’Inquisition qui pourchassent ceux qui ont refusé la conversion et continuent de judaïser en secret.

Isom-Verhaaren, Christine, Allies with the Infidel : The Ottoman and French Alliance in the Sixteenth Century, Londres, Tauris, 2011.

Le livre montre comment les Ottomans et les Français du XVIe siècle ont compris l’alliance entre les deux Etats et pourquoi sa signification réelle et son contexte historique ont été mal compris. Le point principal dans les cinq premiers chapitres est que la propagande anti-française de Charles Quint, l’empereur romain germanique, contre la collaboration impie d’un roi chrétien avec un souverain musulman a eu un tel succès que cette vision impériale a été acceptée au pied de la lettre au 20ème siècle, même dans l’historiographie française. Les sources françaises (et ottomanes) montrent une version différente de ces faits par rapport à la présentation impériale, mais elles n’ont pas été suffisamment prises en compte même en France. Un ouvrage qui revient donc sur l’historiographie d’un phénomène important du XVIe siècle.

Israël, Jonathan, Diasporas within a Diaspora. Jews, Crypto-Jews and the World of Maritime Empires (1540- 1740), Leyde-Boston, Brill, 2002.

Un classique à connaître.

Jennings, Ronald C., Christians and Muslims in Ottoman Cyprus and the Mediterranean World, 1571-1640, New York-Londres, New York University Press, 1993.

L’histoire de Chypre après la conquête ottomane. L’auteur tisse un tableau de la société : la place des femmes, le statut des dhimmis, les corps de troupes (janissaires et spahis), le personnel des tribunaux, l’économie chypriote, l’agriculture, les maladies…

Kafadar, Cernai, « A Death in Venise (1575) : Anatolian Muslim Merchants Trading in the Serenissima », dans Sanjay Subrahmanyam (dir), Merchant Networks in the Early Modern World, 1450-1800, Routledge, 1996.
***Kaiser, Wolfgang (dir), La loge et le fondouk : les dimensions spatiales des pratiques marchandes en Méditerranée : Moyen-Age et Époque moderne, Paris, Karthala, 2014.

Un ouvrage important à connaître, qui propose une réflexion spécifique sur les échanges en Méditerranée au Moyen Age et à l’époque moderne à partir de leurs dimensions spatiales. Il s’agit de comprendre comment les pratiques sociales de l’échange contribuent à la production et au façonnement d’espaces et de lieux particuliers. Les lieux et les espaces des échanges sont envisagés comme des constructions sociales produites par les acteurs et en même temps comme des éléments fondamentaux qui orientent leurs pratiques mercantiles. Modelé et construit par les pratiques marchandes, l’espace les modèle et les contraint en retour ; il n’est par conséquent jamais neutre. En effet, les dimensions spatiales des pratiques marchandes peuvent se décliner selon plusieurs modes : par l’analyse des lieux d’échange, lieux créés ou appropriés, éphémères ou pérennes ; par la mise en valeur des structurations politico-juridiques, institutionnalisées ou coutumières de la « place » marchande ; par l’intérêt porté à la construction d’espaces économiques avec leurs circuits, lhttps://clio-cr.clionautes.org/lempire-de-venise-et-les-turcs-xvie-xviie-siecle.htmleurs acteurs et leurs pratiques routinières.

**Kaiser, Wolfgang (dir), Le commerce des captifs. Les intermédiaires dans l’échange et le rachat des prisonniers en Méditerranée, XVe-XVIIIe siècle, Rome, École Française de Rome, 2008.

Les études rassemblées illustrent la multitude des formes de l’échange et du rachat de prisonniers. Tout en étant guidés par des motivations religieuses, les confréries, les ordres et les œuvres charitables participent d’un jeu politique et d’une économie de la rançon qui lient les acteurs de ces échanges interculturels dans une connivence tacite. Loin d’une confrontation entre ennemis religieux, se dégage l’image d’échanges profitables qui produisent une redistribution des richesses, en grande partie à l’intérieur de l’Europe. Ce commerce des captifs, qui met aux prises de nombreux intermédiaires, a ses lieux, ses rythmes et ses pratiques de neutralisation, et donne ainsi à voir une autre topographie de la Méditerranée. C’est – pour le meilleur et pour le pire – une page d’une histoire partagée de la Méditerranée que visent à écrire les contributions de ce livre très riche.

Kermeli, Evgenia, « Marriage and Divorce of Christians and New Muslims in Early Modern Ottoman Empire : Crete 1645-1670 », Oriente Moderno, 93,2013, p. 527-546.
Krstic, Tijana, Van Gelder, Maartje (dir), Cross-Confessional Diplomacy and Diplomatie Intermediaries  in  the Early Modern Mediterranean, dossier  du  Journal  of  Early Modern History, 19, 2015.
Lauquin Mickaël, La Méditerranée de Fernand Braudel X https://clio-prepas.clionautes.org/la-mediterranee-de-fernand-braudel.html
Lauquin Mickaël, Une introduction aux systèmes-monde
D’après la sociologie d’Immanuel Wallerstein
X https://clio-prepas.clionautes.org/une-introduction-aux-systemes-monde.html
Mickaël Lauquin, L’approfondissement de l’analyse du système monde par l’anthropologie
Des systèmes-monde au système monde
X https://clio-prepas.clionautes.org/analyse-du-systeme-monde-par-lanthropologie.html
Lauquin Mickaël, La « guerre de Cent Ans du Maroc » et la « guerre mondiale du XVIe siècle » au Maroc et en Méditerranée. Vers une histoire multiscalaire de la Méditerranée à l’époque moderne X https://clio-prepas.clionautes.org/la-guerre-mondiale-du-xvi-siecle-au-maroc-et-en-mediterranee.html
Lewis, Bernard, Comment l’Islam a découvert l’Europe, Paris, Gallimard, 2005 [1982].

L’ouvrage d’un grand orientaliste qui permet de connaître la manière et l’état d’esprit avec lesquels le Proche-Orient musulman a abordé sa découverte, sa connaissance et ses relations avec l’Europe chrétienne. Un livre très riche, bien documenté et facile à lire.

***Lloret Sylvain (dir), Communautés et mobilités en Méditerranée (fin XVe siècle – milieu XVIIIe siècle), Atlande, 2021.

Un manuel de concours

Malcolm, Noel, Useful Enemies. Islam and the Ottoman Empire in Western Political Thought, 1450-1750, Oxford, Oxford University Press, 2019.

Un ouvrage qui revient sur l’invention du « despotisme oriental » par l’Occident, dans une tradition d’hostilité à l’Islam et à l’empire ottoman durant l’époque moderne. Alors que les humanistes font revivre la notion d’« Europe » (au sens géographique et ethnoculturel), il est nécessaire de créer une autre civilisation qui soit l’inverse de la première. La théologie chrétienne s’engage également dans cette création de toute pièce et désigne donc l’Islam comme l’anti-Europe. Du XVe au XVIIIe siècle, les intellectuels laïques et religieux d’Europe contribuent à densifier ce mythe du despotisme oriental afin de désigner l’ennemi utile. C’est toute l’histoire de cette construction qui est retracée dans l’ouvrage de Noel Malcolm.

Marin, Brigitte (dir), Petites îles de Méditerranée occidentale. Histoire, culture, patrimoine, Marseille, Éditions Gaussen, 2021.

Si les grandes îles de la Méditerranée occidentale, la Corse, la Sardaigne, la Sicile, ou encore Malte, sont bien connues, ainsi que les archipels les plus denses, comme les Baléares, ces terres sont loin d´épuiser les figures de l´insularité. La Méditerranée se caractérise en effet par ses innombrables îles mineures et ses îlots. Ce volume retrace, de la préhistoire à nos jours, l´histoire heurtée de leur occupation humaine, permanente ou occasionnelle, et des usages de leurs ressources, en synthétisant des connaissances éparses, en illustrant, sur des dizaines de cas d´étude, leurs traits originaux. L’histoire des interactions entre l´homme et ces milieux méditerranéens est abordée sous ses multiples aspects, de la précarité de la vie aux larges horizons de la navigation et des échanges, de la réclusion à l´hospitalité, de la mise en valeur des terres à l´économie touristique, de la pêche traditionnelle à la mise en place des aires protégées, de l´exploitation des minerais et des végétaux aux légendes et à l’inspiration littéraire. Un vaste domaine d´étude à explorer et un monde à découvrir.

Martinez Torres, José Antonio (dir), Circulacion de personas e intercambios comerciales en el Mediterràneo y en el Atlàntico (siglos XVI, XVII, XVIII), Madrid, CSIC, 2008.

Cet ouvrage, œuvre de neuf spécialistes internationaux de renom de la Méditerranée et de « l’Atlantique méditerranéen » du début de l’époque modhttps://clio-cr.clionautes.org/lempire-de-venise-et-les-turcs-xvie-xviie-siecle.htmlerne, a un double objectif : poursuivre le dialogue avec l’œuvre de Fernand Braudel, extraordinairement riche en contenus et en concepts ; et d’étudier la nature du commerce découlant de la circulation des personnes.

Marushiakova, Elena, Popov, Veselin, Gypsies in the Ottoman Empire. A Contribution to the History of the Balkans, Hatfield, The University of Hertfordshire Press, 2001.

Ce livre explore l’histoire, l’ethnographie, la structure sociale et la culture des Tsiganes dans l’Empire ottoman. La présence des Roms dans la partie européenne de l’Empire ottoman – les Balkans – est vieille de plusieurs siècles et ce n’est pas un hasard si cette région a souvent été appelée la deuxième patrie des Tsiganes. De cette région, les Tsiganes se sont déplacés vers l’ouest, emportant avec eux les modèles culturels et les traditions héritées des Balkans. Il est basé sur des sources d’archives, principalement des registres fiscaux détaillés, des lois spéciales, des registres de guilde et des documents judiciaires.

Marzagalli, Silvia (dir), Les consuls en Méditerranée. Agents d’information et de contre-information (XVIIe- XIXe siècle), Paris, Classiques Garnier, 2015.

Un recueil de 17 articles sur les consuls et les consulats en Méditerranée entre 1550 et 1950. L’ouvrage vise à montrer en quoi le système consulaire et ses agents principaux étaient des fournisseurs d’information. Un angle d’approche particulier, qui traite donc des ambassadeurs comme des espions (ce qu’avait déjà signalé Lucien Bély dans Espions et ambassadeurs au temps de Louis XIV). L’ordre du volume montre comment le système consulaire évolue d’une institution marchande vers une institution étatique. Plusieurs études de cas intéressantes, de même que l’introduction et la conclusion.

Masters, Bruce, Christians and Jews in the Ottoman Arab World : The Roots of Sectarianism, Cambridge, Cambridge University Press, 2001.

L’ouvrage explore l’histoire des Chrétiens et des Juifs dans les provinces arabes de l’empire ottoman et comment leur identité non-musulmane a évolué pendant 400 ans. Au début de la période abordée, c’est-à-dire au XVIe siècle, la communauté sociale été circonscrite par son identité religieuse ; les non-musulmans vivaient dans un monde soumis à la loi musulmane. Mais à différents moments, jusqu’au XIXe siècle, des conflits ont éclaté entre groupes interreligieux pour challenger cet ordre de domination. L’animosité religieuse des chrétiens a conduit, dans les Balkans et en Anatolie, à des luttes nationalistes qui ont pris la forme de combats religieux et politiques. A l’inverse, les communautés juives sont parvenues à s’intégrer et à maintenir leurs frontières religieuses traditionnelles. Une histoire des ambiguïtés religieuses.

Maziane, Leila, Salé et ses corsaires, 1666-1727. Un port de course marocain au XVIIe siècle, Caen, Presses Universitaires de Caen, 2007.

L’étude des aspects économiques, sociaux et militaires de la guerre de course à partir de Salé. Il s’agit de l’un des foyers de corsaires les plus importants du XVIIe siècle. Le livre est illustré de cartes, plans, graphiques et tableaux. La première partie examine les conditions de l’émergence de la guerre de course à Salé et met en évidence l’importance de la période 1666-1727. La deuxième partie montre comment la ville a été façonnée par la course et s’est donné les moyens humains et matériels de cette réussite (réseaux de ports, entretien d’une flotte importante, recrutement de marins et de capitaines…). La troisième partie tente de mesurer les résultats de l’activité corsaire de Salé. L’ouvrage montre ainsi que la guerre de course, entretenue par les autorités urbaines, a été un moteur économique, créant une économie portuaire majeure mais aussi un pôle dynamisant de l’arrière-pays.

**Méchoulan, Henry (dir), Les Juifs d’Espagne, histoire d’une diaspora, 1492-1992, Paris, Liana Lévy, 1992.

Ouvrage publié pour le 500e anniversaire de l’expulsion de 1492 en Espagne, alors que les Juifs étaient présents dans le pays depuis 1400 ans. Les marranes sont convertis de force mais continuent de professer leur religion en secret. La majorité prend la route de l’exil et essaime dans toute l’Europe ainsi qu’au Nouveau Monde. Intégrés à leur pays d’accueil, ils n’en restent pas moins Sépharades, n’oubliant ni l’Espagne ni leur langue d’origine. Les articles recueillis dans ce livre suivent leur parcours. A compléter avec l’ouvrage d’Esther Benbassa et Aron Rodrigue.

*Mills, Simon, A Commerce of Knowledge. Trade, Religion, and Scholarship between England and the Ottoman Empire, c. 1600-1760, Oxford, Oxford University press, 2020.

L’ouvrage interroge les relations entre la culture et l’économie dans le contexte des échanges entre l’Europe chrétienne et la Méditerranée musulmane. Il se concentre d’abord sur les individus qui ont traversé et relié les domaines du commerce et de la diplomatie, de la connaissance et de l’humanisme culturel. Le livre se compose de 4 parties : l’attirance des clercs antiquaires et des orientalistes britanniques pour la ville d’Alep ; l’affirmation des collèges universitaires d’Oxford comme centres de l’orientalisme grâce au développement de ses bibliothèques qui rassemblent de nombreux manuscrits orientaux (juifs, musulmans, coptes…) ; les procédés utilisés par les clercs d’Oxford pour accroître leurs collections ; les activités missionnaires à Alep. La Méditerranée n’est donc pas forcément au centre de l’ouvrage ; cependant, cette étude montre que d’autres espaces, même s’ils n’appartiennent pas immédiatement au bassin méditerranéen, y sont tout de même connectés.

Moatti, Claudia, Chevreau, Emmanuelle (dir), L’expérience de la mobilité de l’Antiquité à nos jours, entre précarité et confiance, Bordeaux, Ausonius, 2021.

La mobilité est lue comme une expérience et un processus qui ne se comprend que dans le temps long. C’est ce vécu et sa réalité multidimensionnelle et imprévisible qui est proposée. Le champ de l’enquête est donc celui de l’entre-deux, statutaire, topographique, social ou idéel : c’est d’abord l’espace-temps du mouvement où tout peut arriver, où les repères sont en quelque sorte suspendus, où l’horizon se trouve indéfiniment reporté ; c’est aussi l’espace relationnel, fait de méfiance ou de confiance, qui se crée entre les migrants et ceux qu’ils rencontrent. Ce livre se présente comme « le premier volet d’une petite anthropologie du mouvement, qui se veut à la fois transdisciplinaire, transpériodique, et résolument comparatiste ».

***Moatti, Claudia, Kaiser, Wolfgang (dir), Gens de passage en Méditerranée de l’Antiquité à l’époque moderne. Procédures de contrôle et d’identification, Paris, Maisonneuve et Larose, 2007.

Actes de deux colloques organisés en 2003 et 2004. Le livre est organisé en deux parties : l’une sur le contrôle des gens de passage, l’autre sur les identifications et les falsifications. Chaque partie est introduite par une réflexion théorique. Le principe global est celui, de l’Antiquité au XXe siècle, d’un comparatisme culturel. Néanmoins, l’époque moderne est fortement privilégiée avec 12 contributions (5 sur le monde musulman, 7 sur l’occident chrétien).

*Monge, Mathilde, Muchnik, Natalia, L’Europe des diasporas, XVIe-XVIIIe siècles, Paris, PUF, 2019.

Une histoire comparée des huguenots, séfarades, catholiques britanniques, mennonites, morisques, frères moraves, quakers, ashkénazes… pour en rechercher les points communs. Toutes ces populations s’inscrivent dans des communautés dont les ramifications traversent les frontières politiques, culturelles et religieuses ; toutes entretiennent des réseaux dynamiques à travers lesquels circulent informations, personnes et biens. Unis par la mémoire des persécutions, l’attachement à une terre d’origine, réelle ou rêvée, et par des liens économiques, ces groupes n’en sont pas moins extrême­ment divers. Formant des minorités au sein de la cité, ils entretiennent des rapports complexes tant avec les autorités et les populations locales qu’avec les autres populations diasporiques. Cet essai explore ces tensions, entre unité et hétérogénéité, mobilité et sédentarité, marginalisation et perméabilité des frontières sociales. Aussi synthétique qu’informé, il s’adresse à la fois aux spécialistes des minorités et des diasporas, qui y trouveront une proposition de lecture globale, à ceux qui s’intéressent à la coexistence religieuse, aux questions d’intégration et aux migrations.

Muchnik, Natalia, Les prisons de la foi : l’enfermement des minorités, XVIe-XVIIIe siècle, Paris, PUF, 2019.

Un livre ambitieux sur un sujet inédit. L’auteure recherche comment les minorités religieuses ont investi les espaces carcéraux et comment ceux-ci ont influencé leurs pratiques. L’enfermement pour raison religieuse a été une réalité importante de l’époque moderne. Quatre cas sont développés : les catholiques anglais sous Elisabeth I, les marranes et les morisques aux XVIe-XVIIe siècles, les crypto-protestants français au XVIIIe siècle.

Nicolet, Claude (dir), Mégapoles méditerranéennes. Géographie urbaine rétrospective, Paris, Maisonneuve et Larose – MMSH – École française de Rome, 2000.

Une histoire comparée qui emploie un concept géographique et l’applique à différentes périodes historiques. Le concept est toutefois un peu différent : par « mégapole », il faut entendre les villes considérées par leurs contemporains comme exceptionnelles à l’échelle de leur temps. Le programme « mégapoles méditerranéennes » est pharaonique, dirigé par Claude Nicolet en tant que directeur de l’Ecole Française de Rome en 1992. Il s’agit d’une étude sur la très longue durée de villes du bassin méditerranéen qui ont pu être considérées par leurs contemporains comme des « villes-monde ». Un ouvrage à connaître et à feuilleter, notamment pour la liste des « mégapoles » étudiées (et les critères de définition de ces « mégapoles »/« villes-monde »).

Nordman, Daniel, Tempête sur Alger : l’expédition de Charles Quint en 1541, Saint-Denis, Bouchène, 2016.

Un rappel d’un événement parfois oublié. Il s’agit d’une nouvelle tentative (après celle de 1516) des Espagnols de s’épandre de l’autre côté de la Méditerranée pour arrêter les corsaires barbaresques et sécuriser leurs communications, devenues un lien vital et un enjeu politico-militaire depuis l’installation des Ottomans au Maghreb. Tout est abordé : la préparation matérielle de l’expédition, sa justification contre la piraterie et pour une « croisade religieuse », le rôle de Charles Quint, le récit de l’échec, les récits qui en sont faits après l’événement. Au-delà de l’année 1541, c’est aussi la Tradition de l’expédition qui est analysée tout au long du XVIe siècle et au XVIIe siècle.

***Ortega, Stephen, Negotiating Transcultural Relations in the Early Modern Mediterranean Ottoman-Venetian Encounters, Farnham, Ashgate, 2014.

Une étude des relations transculturelles entre les musulmans ottomans, les sujets chrétiens de la République de Venise et d’autres groupes sociaux aux XVIe et XVIIe siècles. L’ouvrage se concentre principalement sur les musulmans ottomans qui sont venus à Venise et dans ses territoires périphériques. Il examine les différents types de relations de pouvoir et les géographies sociales qui ont encadré les rencontres des voyageurs musulmans. Bien que Stephen Ortega ne rejette pas l’idée que les Vénitiens et les musulmans ottomans représentaient deux communautés distinctes, il soutient que les échanges chrétiens et musulmans dans la période pré-moderne impliquaient des pratiques culturelles, économiques, politiques et sociales intégrées. L’enquête met donc en lumière comment des commerçants, des courtiers commerciaux, des diplomates, des informateurs, des convertis, des âmes égarées et des représentants du gouvernement de différentes communautés se sont livrés à des pratiques similaires et ont utilisé des tactiques de négociation comparables dans des domaines allant des différends commerciaux aux droits des membres masculins de la famille, en passant par les garanties de protection. L’un des apports du livre est de démontrer l’importance de considérer l’histoire méditerranéenne sous différents angles ; il souligne l’importance de comprendre l’histoire interculturelle comme une négociation entre différents acteurs sociaux, culturels et institutionnels.

X https://clio-prepas.clionautes.org/negociating-transcultural-relations-in-the-early-modern-mediterranean-ottoman-venetian-encounters.html
Parello, Vincent, Les judéo-convers : Tolède, XVe-XVIe siècles. De l’exclusion à l’intégration, Paris, Éditions L’Harmattan, 1999.

La thèse de l’auteur. Une histoire de l’insertion et de l’assimilation des descendants des juifs convertis au christianisme à la fin du XVe siècle dans la société dominante de l’époque. Les barrages idéologiques ne tiennent pas face aux impératifs économiques. L’histoire des judéo-convers repose donc sur un paradoxe : celui d’une société qui en voulant exclure n’en a que mieux intégré.

Petitjean, Johann, L’intelligence des choses. Une histoire de l’information entre Italie et Méditerranée (XVIe- XVIe siècles), Rome, École française de Rome, 2013.

Issu d’une thèse de doctorat, le livre explore les multiples dimensions de l’information en étudiant comment les données collectées sur le terrain des guerres ottomanes étaient transmises, reçues et traitées en Italie. L’information politique alimente les échanges diplomatiques européens et se nourrit d’eux ; elle est supposée réduire la part de risque et d’incertitude liée aux prises de décision et contribuer à la réactualisation constante des savoirs d’État ; ses formats et ses usages infléchissent le rapport des acteurs au temps, à l’espace et aux événements. L’analyse met en perspective les origines et les effets de l’invention de l’actualité avec les mutations des pratiques administratives. Examiné à la lumière de la Méditerranée, le gouvernement des nouvelles apparaît alors comme un élément décisif de la première révolution de l’information à l’époque moderne.

Piterberg, Gabriel (dir), Braudel Revisited : the Mediterranean World, 1600-1800, Toronto, University of Toronto Press, 2010.

Un ouvrage qui confronte la pensée de Braudel aux études actuelles. Les contributeurs évaluent l’impact du travail de Braudel sur le monde académique d’aujourd’hui, à la lumière des changements méthodologiques ultérieurs (en particulier les Area Studies).

**Poumarède, Géraud, L’Empire de Venise et les Turcs, XVIe- XVIIe siècle, Paris, Classiques Garnier, 2020.

Une étude extraite de la thèse de l’auteur en 2004. Aujourd’hui, ce volume s’inscrit dans un vaste chantier d’étude des relations vénéto-ottomanes. Un ouvrage impressionnant, une somme claire de plus de 700 pages. Il permet une relecture de fond de l’ensemble de l’histoire vénitienne en lien avec lo Stato da Mar. Possibilité de lire n’importe quelle partie, sans forcément lire l’ensemble.

CR Cliothèque

***Poumarède, Géraud, Pour en finir avec la croisade : mythes et réalités de la lutte contre les Turcs auw XVIe et XVIIe siècles, PUF, 2004.

Les XVIe et XVIIe siècles furent-ils marqués par un choc des civilisations entre l’Occident chrétien et l’Orient musulman ? Pour tenter de répondre à cette question, Géraud Poumarède a rassemblé et analysé une vaste documentation pour mener une enquête minutieuse et proposer une réflexion originale et novatrice, souvent iconoclaste, sur les conflits qui opposent les Européens aux Turcs durant la période moderne. Certes, les assauts répétés des troupes ottomanes suscitent l’affirmation d’une culture de la confrontation dans le monde chrétien. L’ennemi y est perçu comme un infidèle, un barbare et plus tard un despote. Prophéties et plans de conquête se multiplient pour annoncer sa défaite imminente. L’affrontement paraît total et prend les allures d’une véritable croisade… Il faut pourtant relativiser la portée de ces slogans et de ces idées. Non seulement ils finissent par s’apparenter à une simple rhétorique, mais leur influence sur les relations internationales et les pratiques de la guerre demeure étroitement limitée. Ainsi, la lutte contre les Turcs perd progressivement sa spécificité. Les appels à la mobilisation lancés par la papauté ne recueillent qu’un faible écho chez les souverains du temps. Sur le terrain, les hommes du combat contre l’infidèle sont pour la plupart des traîneurs de sabre et non des guerriers de Dieu. Cette banalisation favorise une redéfinition des rapports entre les puissances occidentales et l’Empire ottoman qui n’exclut plus totalement l’établissement de liens pacifiques avec ce dernier, voire la conclusion d’alliances plus étroites avec lui.

Poutrin, Isabelle, Talion, Alain (dir), Les expulsions de minorités religieuses dans l’Europe des XIIIe-XVIIe siècles, Pompignac, Éditions Bière, 2015.

Actes d’un colloque organisé en 2010. Une étude comparée de ce phénomène récurrent des expulsions de communautés religieuses. Le livre s’intéresse aux Etats et à leurs motivations : c’est donc une histoire politique de ce phénomène.

Rafeq, Abdul-Karim, « Coexistence and Intégration Among the Religious Communities in Ottoman Syria », dans Akira Usuki et Hiroshi Kato (dir), Islam in the Middle Eastern Studies : Muslims and Minorities, Osaka, Japan Center for Area Studies, 2002, p. 97-131.
***Roche, Daniel, Humeurs vagabondes. De la circulation des hommes et de l’utilité des voyages, Paris, Fayard, 2003.

Un ouvrage sur le conflit entre sédentarité et mobilité, entre deux visions, deux cultures. Daniel Roche écrit une histoire de la mobilité en Europe moderne, dans un très riche ouvrage à connaître absolument.

**Rothman, Natalie, Brokering Empire. Trans-imperial Subjects between Venice and Istanbul, Ithaca-Londres, Cornell University Press, 2012.

Le livre porte très bien son titre. Natalie Rothman explore les mondes croisés de ceux qui traversaient régulièrement la frontière vénitienne-ottomane moderne, y compris les migrants coloniaux, les esclaves rachetés, les marchands, les courtiers commerciaux, les convertis religieux et les interprètes diplomatiques. Dans leurs interactions soutenues entre les lignes linguistiques, religieuses et politiques, ces sujets trans-impériaux ont contribué à façonner les frontières impériales et culturelles changeantes. La période de 1570 à 1670 aurait vu une transformation progressive dans la façon dont la différence ottomane a été conçue au sein des institutions vénitiennes. Grâce en partie aux activités des sujets trans-impériaux, l’accent mis très tôt sur les critères juridiques et commerciaux a cédé la place à des conceptions de la différence fondées sur la religion et la langue. C’est une histoire des relations et de la compréhension de l’autre entre deux puissances opposées qui, loin de se confronter en tout, profitent aussi des rencontres pour se transformer de l’intérieur.

***Ruiz, Teofilo , The Western Mediterranean and the World : 400 CE to the present, Hoboken, Wiley Blackwell, 2018.

L’auteur considère que du détroit de Gibraltar à la Sicile, des nations européennes du nord de la Méditerranée aux côtes de l’Afrique du Nord, la Méditerranée occidentale est une entité culturelle et sociopolitique unique qui a joué un rôle singulier dans la formation de la société mondiale d’aujourd’hui. L’ouvrage porte sur l’histoire de l’essor de ce monde particulier et de son évolution de la fin de l’Empire romain d’Occident à nos jours. Plutôt que de présenter l’histoire de la région comme une stricte progression chronologique, il adopte une approche thématique, racontant son histoire à travers une série de vignettes, d’études de cas et de récits originaux afin de fournir une idée plus immédiate de ce qu’était la vie dans et autour de la Méditerranée. Sur le long terme (tous les chapitres ne sont donc pas utiles), il décrit le passage de l’unité religieuse et linguistique sous la domination romaine au paysage culturel fragmenté d’aujourd’hui ; il retrace les mouvements des peuples à travers les régions et leurs rencontres avec les nouvelles réalités géographiques, culturelles et politiques ; il aborde l’émergence de diverses identités politiques et la façon dont elles se sont développées en modèles établis d’organisation politique ; il insiste sur les rencontres interreligieuses.

Sebag, Paul, Tunis au XVIIe siècle. Une cité barbaresque au temps de la course, Paris, Éditions L’Harmattan, 1989.

Un livre un peu ancien, synthèse sur la cité de Tunis durant l’âge d’or de la guerre de course. Une histoire sociale, institutionnelle, urbaine, économique, quotidienne et artistique. S’y trouvent aussi des détails sur les types de navires utilisés dans la guerre de course, le commerce international, les caractères de la langue franque, les bagnes de Tunis… L’ouvrage donne un tableau complet de la vie politique, économique, sociale et culturelle. Le texte est clair, le plan bien construit. Une lecture agréable.

Sebouh Aslanian, From the Indian Ocean to the Mediterranean: the Global Trade Networks of Armenian Merchants from New Julfa, University of California Press, 2014.

S’appuyant sur une mine de documents, y compris une correspondance jamais vue depuis 300 ans, cette étude explore l’émergence et la croissance d’un remarquable réseau commercial mondial exploité par des marchands de soie arméniens à partir d’un petit avant-poste de l’Empire perse. Basés à New Julfa, Ispahan, dans ce qui est aujourd’hui l’Iran, ces marchands exploitaient un réseau de colonies commerciales qui s’étendait de Londres et Amsterdam à Manille et Acapulco. Les Arméniens de New Julfan étaient la seule communauté eurasienne capable d’opérer simultanément et avec succès dans tous les grands empires du début du monde moderne – à la fois les empires asiatiques terrestres et les empires maritimes émergents – étonnamment sans les avantages d’un réseau impérial et d’un État qui accompagnaient et facilitaient l’expansion commerciale européenne au cours de la même période. Ce livre met en lumière pour la première fois le monde cosmopolite trans-impérial des Nouveaux Julfans. Entre autres sujets, il explore les effets du commerce à longue distance sur l’organisation de la vie communautaire, l’éthique de confiance et de coopération qui existait entre les marchands et l’importance des réseaux d’information et de la communication dans le fonctionnement des premières communautés marchandes modernes.

Shapiro, Henry, The Rise of the Western Armenian Diaspora in the Early Modern Ottoman Empire, Édimbourg, Edinburgh University Press, 2022.

L’ouvrage retrace comment les migrants arméniens ont changé le paysage démographique et culturel d’Istanbul et de l’Anatolie occidentale au cours du XVIIe siècle. Il insiste sur le rôle des marchands arméniens ottomans, des financiers, des auteurs, des musiciens, des traducteurs, des imprimeurs et des bureaucrates dans le commerce, l’art et même dans la plupart des sphères de la vie économique et culturelle de l’empire. Ce livre montre comment ce monde cosmopolite a vu le jour.

**Tazzara, Corey, The Free Port of Livorno and the Transformation ofthe Mediterranean World, 1574-1790, Oxford-New York, Oxford University Press, 2017.

Au crépuscule de la Renaissance, le grand-duc de Toscane, descendant de la légendaire famille de banquiers Médicis, a invité des marchands, des artisans et des capitaines de navires étrangers à s’installer dans sa ville portuaire de Livourne. La ville est rapidement devenue l’une des villes portuaires les plus animées de la Méditerranée, présentant un riche tableau de fonctionnaires, de marchands, de marins et d’esclaves. Livourne a apporté un tournant dans l’histoire du libre-échange. Pourtant, à la fin du XVIIe siècle, l’invitation du grand-duc avait évolué en un programme général d’hospitalité envers les visiteurs étrangers, le traitement libéral des marchandises et un modèle pour l’élimination des droits de douane. Livourne a été l’exemple le plus ancien et le plus réussi de port franc en Europe. L’histoire de Livourne montre les germes du libéralisme émergeant, non pas des études de philosophes tels qu’Adam Smith, mais du lien entre le commerce, la politique et l’identité au début de la Méditerranée moderne.

***Trivellato, Francesca (dir), Religion and Trade : Cross-Cultural Exchanges in World History, 1000-1900, Oxford, Oxford University Press, 2014.

Actes d’un colloque organisé en 2010 et dirigé par une spécialiste de la question des rencontres en Méditerranée. Après les « diasporas commerciales » de Philip Curtin (Cross-Cultural Trade in World History, 1984), voici un ouvrage très riche qui se concentre sur le commerce au-delà des frontières religieuses autour de la mer Méditerranée et des océans Atlantique et Indien au cours du deuxième millénaire. Écrits par une équipe internationale de chercheurs, les articles examinent un large éventail d’échanges commerciaux, des premières rencontres entre étrangers de différents continents aux transactions quotidiennes entre marchands qui vivaient dans la même ville mais appartenaient à divers groupes. Ils abordent la façon dont la relation entre le commerce et la religion s’est développée historiquement : quand et où la religion a-t-elle été invoquée explicitement dans le cadre des politiques commerciales ? comment les normes religieuses affectent-elles la conduite quotidienne du commerce ? pourquoi les impératifs économiques, les objectifs politiques et les institutions juridiques ont-ils contribué à soutenir les échanges commerciaux au-delà des barrières religieuses à différentes époques et en différents lieux ? quand le commerce entre groupes religieux a-t-il cédé la place à des vues plus tolérantes de « l’autre » et quand, au contraire, a-t-il coexisté avec des images hostiles de ceux qui sont décriés comme « infidèles » ? C’est la question de la « rencontre » qui est au cœur des réflexions. Chacun des 10 articles, pris individuellement, fournit une étude de cas cohérente de pratiques d’échanges interculturels (tous ne sont pas utiles à la question d’agrégation).

Trivellato, Francesca, « Marriage, Commercial Capital and Business Agency : Transregional Sephardic (and Armenian) Families in the Seventeenth and Eighteenth Century Mediterranean », dans Christopher H. Johnson (dir), Transregional and Transnational Families in Europe and Beyond. Experiences Since the Middle Ages, New York-Oxford, Berghahn, 2011, p. 107-130.
***Trivellato, Francesca, Corail contre diamants. Réseaux marchands, diaspora sépharade et commerce lointain : de la Méditerranée à l’océan Indien, XVIIIe siècle, Paris, Éditions du Seuil, 2016.

Une spécialiste de la question des rencontres en Méditerranée. Une histoire globale qui dévoile des connexions oubliées. Francesca Trivellato étudie une diaspora négociante et une seule compagnie : Ergas et Silvera, fondée par deux familles sépharades, qui s’étend de Livourne à Goa, en Inde. Elle suit les flux d’échanges de corail rouge méditerranéen contre des diamants indiens et propose une étude économique des échanges diasporiques qui parcourent plusieurs océans et relient la Méditerranée à l’océan Indien. Un ouvrage à connaître sur les réseaux et leur fonctionnement au XVIIIe siècle.

**Tucker, Judith (dir), The Making of the Modern Mediterranean: Views from the South, Berkeley, University of California Press, 2019.

Un ouvrage collectif qui remet en question les vues de l’espace méditerranéen façonnées par les trajectoires européennes. Les auteurs posent à nouveau la question : Qu’est-ce que la Méditerranée ? Quelles sont ses frontières, ses caractéristiques déterminantes ? Du XVIe au XXe siècle, cet ouvrage met le monde européen en conversation avec le reste du monde.

X https://clio-prepas.clionautes.org/the-making-of-the-modern-mediterranean-views-from-the-south.html
Van Krieken, Gérard, Corsaires et marchands. Les relations entre Alger et les Pays-Bas, 1604-1830, Saint-Denis, Bouchène, 2002.

L’ouvrage, court (172 pages), retrace l’histoire tumultueuse des relations entre Alger et les Provinces-Unies, marquée par des périodes de négociations tendues, au gré des alliances et des guerres européennes, et par des épisodes moins connus de collaboration entre corsaires néerlandais et corsaires algériens.

Vatin, Nicolas, Veinstein, Gilles (dir), Insularités ottomanes, Paris-Istanbul, Maisonneuve et Larose- Institut français d’études anatoliennes, 2004.

Douze contributions sur l’analyse des territoires insulaires de l’empire ottoman en Méditerranée : les îles de la mer Egée, la Crète, Chypre. Les spécialistes abordent des thèmes précis. La première partie porte sur la logique qui préside à la conquête des îles ; la deuxième porte sur la manière dont la Sublime Porte considérait ces territoires particuliers et un peu lointains des formes classiques de domination d’un empire continu ; puis, il s’agit de s’intéresser à la composition ethnique et religieuse des sociétés insulaires ; enfin, des comparaisons avec d’autres insularités méditerranéennes ou de la Mer Rouge.

Veinstein, Gilles, Les Esclaves du sultan chez les Ottomans. Des mamelouks aux janissaires (XIVe-XVIIe siècles), Paris, Les Belles lettres, 2020.

Une histoire d’esclaves particuliers : les esclaves du sultan partagent la même condition que les autres populations serviles de l’empire ottoman, mais ils occupent un rang dans l’Etat et dans la société beaucoup plus particulier. Comme les Mamelouks d’Egypte, ils illustrent l’esclavage gouvernemental. L’empire ottoman ne fait que reproduire ce que les Mamelouks ont produit (voir Jérôme Loiseau), en particulier après la conquête de l’Egypte en 1517. Mais les particularités ottomanes sont nombreuses et ont commencé avant la conquête de l’Egypte, notamment avec la création du corps des janissaires. Gilles Veinsten reprend cette histoire en éditant les leçons données en 2009 et 2010 au Collège de France.

CR Cliothèque

Vergé-Franceschi, Michel, Graziania Antoine-Marie (dir), La guerre de course en Méditerranée (1515-1830), Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2000.

Recueil des actes des Journées Universitaires de la Ville de Bonifacio organisées en 1999. Les articles portent sur les spécificités de la course barbaresque (surtout marocaine), le rôle de Malte pendant la guerre de Sept Ans, la Corse sous François Ier et jusqu’en 1650… Quelques longs articles regorgent d’informations.

Vlami, Despina, Trading with the Ottomans : The Levant Company in the Middle East, Londres, I. B. Tauris, 2015.

Le livre soutient que l’Empire ottoman était un partenaire commercial pour le reste du monde, et donc le lien clé entre l’Occident et le Moyen-Orient entre le XVe et le XIXe siècles. Les historiens ont beaucoup travaillé sur la Compagnie [anglaise] des Indes Orientales (CIO), beaucoup moins sur la Compagnie du Levant, qui avait le droit exclusif de commercer avec l’Empire ottoman de 1581 à 1825. La Compagnie du Levant exportait la fabrication britannique, les produits coloniaux et les matières premières, et importait de la soie, du coton, des épices, des groseilles et d’autres produits levantins. Elle a mis en place des établissements commerciaux à travers les terres ottomanes et a embauché des consuls, des employés de la société et des agents parmi ses membres, ainsi que des commerçants étrangers et des locaux. Despina Vlami décrit la relation entre l’Empire ottoman et la Compagnie du Levant, et retrace les derniers aperçus de la prospérité de la société combinée à des périodes de crise et de tension, alors que l’Empire ottoman et l’Empire britannique faisaient face à des changements et à des guerres importants.

Walbiner, Carsten, « Bishops and Metropolitans of the Antiochian Patriarchate in the 17th Century (Their Relations to the Muslim Authorities, their Cultural Activities, and their Ethnic Background) », ARAM, 9-10, 1997-1998, p. 577-587.
***Watkins, John, Reyerson, Kathryn (dir), Mediterranean Identities in the Premodern Era. Islands, Entrepots, Empires, Farnham, Ashgate, 2014.

Le livre est le 1er de la série « Transculturalisms, 1400-1700 », des éditions Routledge. Il définit la Méditerranée comme une région cohérente avec des modèles distincts d’échanges sociaux, politiques et culturels. John Watkins et Kathryn Reyerson, postulent que « la nouvelle pertinence de la Méditerranée découle de son potentiel en tant que microcosme d’un monde de sociétés interdépendantes liées par des canaux de communication toujours plus rapides » et que « les possibilités d’échange culturel et matériel étaient infinies ». La Méditerranée, malgré toute sa diversité linguistique, était un espace connecté. Les différents essais explorent la production, la modification et la circulation des identités basées sur la religion, l’ethnicité, la profession, le sexe et le statut de libre ou d’esclave dans trois géographies méditerranéennes distinctes : îles, entrepôts et empires. Ils explorent des sujets tels que les conflits interreligieux et les accommodements ; l’immigration et la diaspora ; le polylinguisme ; les identités hybrides ; l’imitation classique et la formation de canons ; le trafic d’objets sacrés ; l’esclavage méditerranéen ; le rêve d’un empire romain réintégré. Intégrant des préoccupations environnementales, sociales, politiques, religieuses, littéraires, artistiques et linguistiques, cette collection offre un nouveau modèle pour aborder une région géographique distincte en tant que lieu unique d’échanges culturels et sociaux.

Weiss, Gillian, Captifs et corsaires. L’identité française et l’esclavage en Méditerranée, Toulouse, Anacharsis, 2014.

Une historienne américaine qui observe la création de l’identité française par opposition aux pirates barbaresques originaires de terres d’Islam. Le livre raconte les affrontements entre la France et les barbaresques durant trois siècles. Elle démontre comment les captifs ont contraint l’Etat royal français à reconfigurer les caractères de l’identité française et à étendre sans cesse son emprise sur ses régions périphéries. Elle montre notamment comment la libération des prisonniers d’Islam et la lutte contre la piraterie barbaresque ont été mises au service d’une idéologie de la conquête par la guerre défensive en Méditerranée.

Winter, Stefan, Ade, Mafalda (dir), Aleppo and its Hinterland in the Ottoman Period, Leyde-Boston, Brill, 2019.

L’ouvrage rassemble 11 contributions (en français et en anglais) rédigées par des spécialistes de la Syrie ottomane et qui s’appuient sur les recherches les plus récentes. En se concentrant à la fois sur la ville et sa place dans la région au sens large, il examine les guildes commerciales et l’établissement chrétien à Alep, les tribus turkmènes et bédouines à l’intérieur d’Alep, le commerce international, « l’émirat du désert », Alep et la montée du système du mil, les réseaux soufis dans la province d’Alep.

Woodhead, Christine (dir), The Ottoman World, Londres, Routledge, 2013.

Le livre se demande s’il existe un « monde ottoman » au-delà des régions de la domination du sultan d’Istanbul. L’autorité ottomane a été établie en grande partie par la conquête militaire, mais comment a-t-elle été maintenue pendant si longtemps, sur de telles distances et dans tant de sociétés disparates ? Comment les régions provinciales se rapportaient-elles au centre impérial et quel rôle y jouaient les élites locales ? Qu’est-ce que cela signifiait en pratique, pour les gens ordinaires, de faire partie d’un « monde ottoman » ? l’ouvrage tente de répondre à ces questions en 5 sections thématiques, avec des contributions de trente historiens spécialistes. Il offre une combinaison de synthèse large et d’investigation détaillée.

*Zwierlein, Cornel (dir), The Power of the Dispersed : Early Modern Global Travelers beyond Integration, Leyde-Boston, Brill, 2021.

Ce volume collectif rassemble des études de cas dans plusieurs contextes : Méditerranée, Amériques, Japon. Ils explorent le type de « pouvoir(s) » et d’agentivité que les personnes dispersées avaient, de manière contre-intuitive, à travers les liens qu’ils entretenaient avec leurs anciens foyers et à travers ceux qu’ils avaient établis à l’étranger. Les « dispersés » ne sont donc pas clairement intégrés dans une diaspora : ce sont plutôt des voyageurs constants qui ne s’installent jamais vraiment, qui ont développé des stratégies de survie en gardant leurs distances avec les anciennes et les nouvelles « maisons » temporaires. Une approche originale de minorités vagabondes.

***Zwierlein, Cornel, Imperial Unknowns. The French and British in the Mediterranean, 1650-1750, Cambridge, Cambridge University Press, 2018.

L’ouvrage étudie le fonctionnement des empires commerciaux français et britannique en Méditerranée durant un siècle. Il se situe à la fois dans l’histoire des savoirs et des sciences, l’histoire des impérialismes européens, l’histoire des circulations, l’histoire méditerranéenne globale. Il s’agit surtout d’observer les conséquences, en France et en Angleterre, de l’essor du négoce avec la Méditerranée musulmane sur le développement de plusieurs domaines de la connaissance. Il écrit ainsi une histoire de l’ignorance : poussés par ce qu’ils ne savaient pas, les Français et les Britanniques ont étudié le passé et la géographie de l’Afrique du Nord, et ont développé un intérêt grandissant pour l’histoire du Levant. Ainsi, les administrateurs, les commerçants, les antiquaires, les théologiens, les naturalistes, ont développé des contacts locaux (grâce à de nombreux intermédiaires) afin d’assouvir leur soif de connaissance des régions levantines et développer ainsi un savoir empirique de plus en plus complet. C’est l’une des origines de l’orientalisme qui est développée dans cet ouvrage qui, en outre, porte un nouveau regard sur l’impérialisme commercial en Méditerranée entre 1650 et 1750. Ouvrage à connaître sur un champ historiographique en plein renouvellement.