Cette quatorzième fiche de lecture porte sur le chapitre 13 du manuel de concours dirigé par Yvette Veyret et Richard Laganier. Les auteurs montrent la question centrale de l’environnement en géographie, en croisant éléments physiques et anthropologiques, sur des territoires où se côtoient de nombreux acteurs. Ce chapitre porte plus particulièrement sur la question des rapports entre environnement et conflits armés.

Yvette Veyret est une géographique spécialiste de la question de l’approche géographique de l’environnement. Elle a dirigé l’Atlas du développement durable aux éditions Autrement.

Les autres chapitres:

INTRODUCTION. Environnements : approches géographiques (Yvette Veyret, Richard Laganier)

CHAPITRE 1. Environnement, développement durable, transition au prisme du changement climatique (Yvette Veyret et Richard Laganier)

CHAPITRE 2. Les temps de l’environnement et des paysages: géohistoire des relations Nature/Société (Philippe Valette)

CHAPITRE 3. Environnements et population : Sommes-nous trop nombreux sur Terre ? (Gilles Pison)

CHAPITRE 4. Environnement(s) et ville(s) (Anne-Lise Humain-Lamoure, Antoine Laporte)

CHAPITRE 5. Environnements et industrie (Bernadette Mérenne-Schoumaker)

CHAPITRE 6. Environnement et agriculture, l’agriculture aux prises avec l’environnement : nouvelles alliances, nouvelles révolutions ? (Monique Poulot, Pascal Baud)

CHAPITRE 7. Environnements et ressources minières et énergétiques (Bernadette Mérenne-Schoumaker)

CHAPITRE 8. Géographie de la ressource en eau (Mathilde Resch)

CHAPITRE 9. Environnements et forêts (Jean-Pierre Husson)

CHAPITRE 10. Géographie et environnements des mers et des littoraux (Yvette Veyret et Richard Laganier)

CHAPITRE 11. Environnements, humains et animaux, des relations interspécifiques sociales, culturelles et politiques (Clara Lyonnais-Voutaz)

CHAPITRE 12. Géographies intégrées des risques et des environnements : justifications, défis et solutions (Patrick Pigeon)

CHAPITRE 14. Environnements et santé : approches géographiques (Gérard Salem, Florence Fournet)

CHAPITRE 13. Environnement et conflits armés (Philippe Boulanger)

La question de l’environnement dans les conflits armés est ancienne. Dès l’Antiquité, les stratèges utilisent le milieu naturel pour affaiblir l’adversaire.
À la suite des guerres mondiales du XXème siècle, rapport devenu +complexe à cause de l’extension des théâtres d’opérations et des capacités militaires développées. Usage du Napalm illustre le chgt d’échelles dans les effets des destructions obtenues. // 70’s conception d’un droit international aux Nations Unies en faveur de la protection de l’environnement en temps de conflit armé témoigne d’une autre mutation. Depuis les 2010’s, la question du réchauffement climatique devient centrale pour les autorités militaires, principalement par les États démocratiques occidentaux. Elle interroge en termes d’adaptation des capacités militaires à déployer sur les théâtres d’opérations à des fins d’anticipation stratégique (échelle continentale), opératique (échelle régionale) et tactique (échelle locale). Elle favorise la prise en compte des risques et menaces sécuritaires pour les États, en valorisant la résilience des sociétés, par l’adoption de nvlles mesures.

But : comprendre les enjeux environnementaux pour le militaire en temps de conflit armé. Comment l’environnement est-il un facteur essentiel pris en compte par les stratèges ?

I. L’environnement, facteur de tensions sécuritaires

À. Une vulnérabilité émergente dans les stratégies nationales

Début des 70’s, place de l’environnement dans les sociétés occidentales occupe une place croissante. Les rapports du GIEC dont celui de 2014 et différentes conférences (celle de Stockholm en 1972) et les sommets successifs sur l’environnement (celui de la Terre à Rio en 1992) parle de “risques émergents”. La dénonciation de l’usage de défoliants chimiques par l’armée américaine au Sud Vietnam entre 1967 et 1972 créé une prise de conscience sur la destruction de l’environnement en temps de guerre dont les effets viennent s’ajouter aux csq du cgt climatique.

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Au sein des armées, notamment occidentales, l’intérêt apparaît surtout à partir des 90’s mais surtout à partir des 2000’s. Il se manifeste dans les doctrines stratégiques et les discours officiels par la notion de vulnérabilité émergente. Les termes utilisés par les opinions publiques montrent ce rapprochement entre environnement et fait militaire : “bombe écologique”, “guerre écologique”, “éco-réfugiés”. En // les recherches scientifiques se développent aux EU et RU.
La pensée militaire doctrinale en Occident suit aussi cette évolution des idées. En France, Le livre blanc sur la défense et la sécurité nationale (2008) mentionne le lien entre dvpt éco, croissance de la consommation des matières premières, et instabilité géostratégique qui en résulte pour les Etats. Le risque environnemental est alors considéré comme un facteur de vulnérabilité croissante au XXIème siècle.
2010’s, la question de la sécurité environnementale est incluse dans les doctrines de sécurité nationale. Rapprochement entre la sécurité humaine (concept des NU adopté en 2005) et dégrada° de l’environnement qui met en évidence deux tendances. La 1ere conduit à l’émergence du concept de “risquification”, soit le changement environnemental comme source de menace et de risques nouveaux pour les armées induisant des mesures de protection et l’adaptation des pratiques de la sécurité. // des situations extrêmes sont prises en compte comme la menace du terrorisme environnemental, telles l’attaque et l’explosion d’une centrale nucléaire. Il en résulte la notion de résilience nationale qui appelle à des mesures d’organisation et d’anticipation des Etats et des sociétés. La 2nde tendance liée à l’évolution de la nature des conflits armés, devenus essentiellement internes, parfois internationalisés qui supposent des opérations asymétriques où la consolidation de la paix (reconstruction) constitue l’un des volets centraux. L’environnement devient un composant de la paix mis en œuvre par des ONG, des agences internationales et des armées nationales. Il participe à des projets de coopération dans les politiques de reconstruction entre les parties en présence pour mettre fin au conflit armé, surtout en Afrique et Asie. Cette approche liée à la “sécuritization”interroge les acteurs, la coopération régionale et le conflit, participe à l’essor récent de l’idée de stratégie de paix environnementale (peu définie dans les stratégies nationales).

B. Le risque climatique, enjeu sécuritaire majeur

2010’s objet central des préoccupations de la plupart des armées occidentales. Le processus de changement climatique est potentiellement source de conflictualité armée à l’échelle régionale. Les principaux risques sécuritaires sont liés à la hausse du niveau des mers, la submersion et les aléas climatiques, sources de tensions entre les Etats pour la maîtrise de nvx espaces, la défense de la liberté de circulation maritime et la gestion des flux migratoires. EU, 2010, la marine américaine conduit un programme de relevés sur les mutations de l’environnement arctique en lien avec le GIEC pour comprendre l’impact du cgt climatique sur les activités militaires. 2013, le Département de la Défense américain (Dod) adopte une stratégie arctique et en 2014, une stratégie liée au cgt climatique et à la sécurité définit une gestion des risques. 2016, une directive du Dod sur le changement climatique et la résilience par l’administration fédérale est adoptée pour mieux comprendre son impact sur les opérations militaires. Malgré le mandat de Trump, le Dod poursuit ses programmes de recherche. Ceux-ci portent sur 3 grandes orientations :
-la première porte sur les enjeux de sécurité environnementale en fonction du cgt climatique, l’intérêt est d’anticiper les futures zones de conflictualité et de comprendre les causes de compétition entre puissance
-la deuxième se situe au niveau opératique (planification, projection de forces, csq opérationnelles et tactiques et impact sur les infrastructures militaires aux EU comme l’effet de la sécheresse pour le fonctionnement des bases militaires)
-une troisième opération concerne la préservation du risque par la résilience où les armées américaines contribuent à apporter un soutien à la société civile.
Mars 2021, Lloyd Austin, ministre de la du président Joe Biden, replace la question climatique comme priorité de la politique étrangère et de la sécurité nationale.

France, une dynamique similaire se dégage à partir de 2010’s. Création d’un observatoire composé d’experts sur le rapport climat-défense pour étudier les csq du cgt climatique sur l’activité des armées. Avril 2021, 1ère stratégie Climat-Défense définit 4 axes : connaissance et anticipation, adaptation des armées, transition énergétique et dvpt de la coopération internationale. Objectif : mesurer l’impact climatique sur l’évolution des vulnérabilités des infrastructures (résilience des bases), anticipation des normes environnementales sur les missions ainsi que partage des connaissances et des expériences entre les services, les organisations internationales et les sociétés.

Dans d’autres pays d’Europe et d’Amérique du Nord, ainsi que les organisations internationales, des orientations similaires sont suivies à partir de 2010’s. Au RU, au Canada, dans les pays Scandinaves, les ministères de la défense ont une approche stratégique sur le changement climatique. 2016, lors la COP 26 à Glascow, l’Alliance atlantique adopte le Plan d’action sur la sécurité et le cgt climatique (raréfaction des ressources, pandémie, perte de la biodiversité) et le renforcement du consensus entre les Etats membres au profit de 6 nvlles normes environnementales concernant les activités militaires (camp militaire, gestion des déchets).

C. Des tensions sécuritaires croissantes liées à la raréfaction des ressources environnementales

-Hydrocarbures et terres rares, enjeux de convoitises par les puissances mondiales
-quatre ressources naturelles sont au coeur des tensions sécuritaires sans être l’unique facteur de déclenchement d’un conflit armé : eau douce, terres arables, exploitation du bois et ressources halieutiques

Eau : + d’une trentaine de pays, soit 250 millions de personnes sont dans des pays en ressource en eau rare (en deçà de 1000 mètres cubes par hab.et par an selon le critère des NU). 2010’s = 1.1 milliard de personnes manquent d’O douce et les NU en prévoient 2.4 milliards en 2025. 1milliard ne dispose pas d’un service d’approvisionnement en O. Localisée surtout en Afrique sahélo-subsaharienne, au MO et en Asie occidentale, ainsi qu’en Inde et en Chine, la diminution de la ressource en 0 douce, facteur de tensions locales entre les communautés. 2025, 35% de la pop. mondiale serait en situation de stress hydrique (30% en 1995) supposant des concurrences pour leur appropriation. Ex Irak, 2000-2010’s, la zone des marais du Sud laisse place à la désertification en raison des drainages effectués et de la pollution des sols accentuant l’érosion et la salinité des sols. Diminution de la surface de 40000 à 7000 ha et 40000 personnes ont fui vers le SO de l’Iran.

Terres arables : selon la Food and Agriculture Organization baisse de 30 millions d’ha/an. Causes : croissance démographique, besoins alimentaires, dégradation des sols et désertification, dvpt de l’urbanisation et surexploitation des surfaces agricoles. “Urgences alimentaires” 15 dans les 80’s, à 30 dans les 2000’s, notamment en Afique.

Ressources en bois : à cause de la déforestation, de la désertification, de la dégrada° des terres arables, de la déperdi° de l’eau ainsi que de la surexploita°(Amazonie, Afrique équatoriale, Asie du SE), croissance démo., urbanisa°, industrialisa° et besoins de combustible = facteur de tensions majeures. Selon la FAO, 90’s la superficie boisée a reculé de 60% dans des zones en guerre et post-guerres au Libéria, SE de la Guinée, Est de la Sierra Léone, Ouest de la Côte d’Ivoire et au Ghana à cause des affrontements successifs, absence de régulation étatique, afflux de réfugiés et exploita°clandestine minière.

Ressources halieutiques : prélèvements 20 000 000 millions en 1950 contre 110 000 000 millions en 2020. Compétition entre les pays exploitants en Atlantique SO, océan Indien, et Pacifique Ouest. 1975, guerre de la morue entre RU et Islande.

Raréfaction de ces ressources = situation de conflictualités diverses. Selon Marc Schmitz, 3 types de “conflits verts” sont à distinguer :

1. Lié à la contrainte de la raréfaction des ressources. Ex Afrique de l’O, début des 90’s, forêt tropicale humide couvre 420 000 km2 (Libéria, SE Guinée, Est de la Sierre Léone, Ouest de la Côte d’Ivoire et Ghana) = ressource impte pour les pop.locales. Mais contexte de déstabilisation politique et de guerres civiles jusqu’au début des 2000’s = objet de surexploitation par des compagnies américaine, suédoise, anglaise ; coupes sauvages par les rebelles. Les affrontements successifs, absence d’État fort, installation anarchique des camps de réfugiés, défrichages pour les mises en culture provisoire, exploitation clandestine des diamants et de l’or favorisent la disparition progressive des massifs forestiers. Libéria, disparition de 60% de la superficie forestière sous les effets des différentes guerres et de son exploitation contre l’achat d’armes favorisant des trafics illicites passant par la Côte d’Ivoire, la Guinée et la Sierra Léone.
2. : lié à la raréfaction de la ressource environnementale et l’identité du groupe.
**En Indonésie**, la déforestation sur l’île de Bornéo par la pop. musulmane a provoqué des affrontements en 2001 entre la population musulmane et la population animiste vivant dans la forêt.
La conflictualité croissante se révèle lorsqu’une pop. locale doit partager une ressource avec des pop.réfugiées

**Au Soudan**, en 2004, l’arrivée de 15 000 réfugiés du Darfour dans un camp à la frontière tchadienne a entraîné une pression sur les ressources (bois). A l’échelle régionale ce sont 200 000 réfugiés qui s’installent et accentuent la déforestation et la désertification, prélèvent l’eau. U entre communautés locales et réfugiées.
3. Lié à la discrimination et à la privation d’une ressource environnementale. **Au Brésil**, la construction des barrages d’Itaipu et Tucurui a déplacé 50 000 Indiens.

**En Turquie**Depuis les années 1970, la construction de barrages dans l’Est du pays a entraîné la délocalisation de 1,5 million de Kurdes et la destruction de 4 000 villages.

II. L’environnement, arme de guerre

A. Un facteur ancien dans la pratique de la guerre

Le stratège chinois Sun Tsé, dans L’Art de la guerre, recommande l’empoisonnement des puits, le détournement des eaux, le défrichement par le feu pour affaiblir l’adversaire. Dans l’histoire des guerres, ces procédés sont svt utilisés si les moyens le permettent. Les Spartiates marchent sur l’Attique au Vème siècle avant J.-C. et brûlent les terres athéniennes avant la moisson.

Dans toutes les guerres, l’exploitation de l’environnement est considérée comme un moyen offensif ou défensif selon les capacités disponibles. Les Assyriens durant l’Antiquité pratiquent le déversement du sel sur les sites des villes détruites pour rendre la terre impropre à la culture.

B. L’exploitation de l’environnement dans les opérations militaires

Un procédé qui a évolué au fil du temps, notamment en Europe grâce à l’ingénierie militaire à la Renaissance. L’un des procédés parmi les + fréquents en milieu tropical humide et en milieu tempéré concerne la provocation d’inondation. Elle mentionne plusieurs exemples historiques où l’environnement a été utilisé comme arme stratégique :

**En 1672, durant la guerre de Hollande, les Hollandais rompent les digues et inondent en grande partie leurs terres pour arrêter l’offensive fçse.
**Chine** guerre sino-japonaise : Entre 1938 et 1947, des inondations causées par des actions militaires ont déplacé des millions de personnes, provoquant de graves conséquences environnementales et humaines.

= l’utilisation récurrente des techniques d’inondation dans l’histoire militaire pour contrer l’ennemi en créant des obstacles naturels insurmontables.

A partir de la 2nd guerre mondiale, le procédé prend de l’ampleur.

Guerre d’Ukraine 2022 : destruction des vannes du réservoir d’Oskil sur le Donets est effectuée par l’armée ukrainienne pour empêcher son franchissement par l’armée russe. 350 millions d’eau s’échappent du barrage provoquant l’assèchement du lac artificiel et la disparition de + de 2 millions de poissons. 6 juin 2023 le barrage hydroélectrique de Kakhovka, au bord du Dniepr dans la région de Kherson, est détruit provoquant une montée des eaux de 2 à 4 mètres et inondant 24 localités (40 000 hab. touchés). Infrastructure stratégique puisqu’il alimente en eau le sud de l’Ukraine, régule les eaux du fleuve (lac artificiel) et achemine l’eau en Crimée (par un canal), irrigue les terres agricoles, maintient la température des réacteurs de la centrale nucléaire de Zaporijjia. Alors que la contre-offensive ukrainienne pouvait emprunter le pont de la centrale sur le Dniepr, l’inondation d’une vaste zone neutralise toute tentative de manœuvre d’envergure.

Les barrages sont considérés comme des espaces stratégiques en temps de guerre.

Un second type de procédé, concerne la destruction systématique des ressources naturelles comme procédé soit offensif, soit défensif.

La tactique employée par Saddam Hussein en janvier 1991 lors de la guerre du Golfe, au Koweït. La stratégie consistait à détruire des sites d’exploitation pétrolifère à endommager les usines de traitement d’eau salée pour provoquer une pollution marine massive. L’objectif était de créer un épais nuage de fumée noire pour gêner les mouvements des troupes de la coalition internationale. Au 21 janvier 1991, 60 puits de pétrole étaient en feu, un nombre qui a grimpé à 613 d’ici la fin février. Cette destruction a entraîné de graves conséquences environnementales, telles que la pollution de 40 % des nappes phréatiques et la formation de 246 lacs pétroliers couvrant une superficie de 49 km².
Ces actions ont également contribué à la baisse de la température de l’air de 10 à 15 degrés + effets des systèmes d’armes employés pendant la guerre comme la destruction des 600 transformateurs électriques sabotés par les Irakiens au Koweit contribuant à la pollution atmosphérique par les dioxines, les mines, les bombes à fragmentation, et les sabotages d’infrastructures électriques.
Enfin, lors de la guerre en Ukraine, en particulier la centrale nucléaire de Zaporijjia, qui est devenue un point stratégique en raison des bombardements de l’armée russe. Fin août fuites radioactives. La centrale est déconnectée du réseau électrique à la suite d’un incendie, faisant craindre des csq majeures sur l’environnement et les populations.

C. L’impact de l’activité militaire sur l’environnement

à quatre niveaux successifs :
-aménagement des infrastructures militaires comme la construction de bases (terrestres, navales, aériennes) ou de fortifications qui bouleversent l’écosystème naturel. Ex : aménagement du Mur de l’Atlantique (de la Norvège à l’Espagne) entre 1941 et 1944 consiste à créer une ligne d’arrêt contre toute tentative de débarquement à partir d’un mur en béton, de batteries d’artillerie, de stations radar, de bunkers et de tunnels. Sa construction en front de mer a participé à l’érosion marine sur le littoral, au déplacement des courants marins et de sédiments.
-impact de certains types de munitions.
Pour les munitions classiques contenant du plomb et des métaux lourds, l’impact sur l’environnement apparaît dans les phases de fabrication, d’utilisation en temps de guerre ou de paix (entraînement). Bataille de Verdun en février 1916, sur un espace de 10 000 hectares, 27 millions d’obus sont utilisés. csq : 2000 à 2300 cratères par hectare dont 90% ont disparu depuis 1918. csq sur la faune et la flore = disparition d’espèces herbacées, acidification des sols, substances chimiques dans les sols (arsenic, métaux lourds). L’environnement est tellement endommagé qu’une partie (8%) est considérée comme zone rouge (non exploitable sur le plan agricole).
Emploi des armes chimiques, csq importantes sur l’environnement (accélération de l’érosion des sols, pollution des sols, disparition des espèces naturelles et de la végétation d’origine). Ex de l’impact de l’opération Ranch Hand menée par l’armée américaine au Vietnam entre 1965 et 1971, qui visait à affaiblir l’adversaire en détruisant l’environnement. Cette opération consistait à utiliser des herbicides, notamment l’agent orange, pour défolier les forêts et les terres cultivées. Environ 20 000 hectares de terres ont été touchés, et en 1991, 20 % des terres défoliées étaient aptes pour l’agriculture et 36 % pour la sylviculture.
– troisième impact détournement des conditions météorologiques et climatologiques dans les opérations militaires : le détournement des conditions météorologiques et climatiques à des fins militaires. Cela commence par la découverte en 1946 de la possibilité de créer des précipitations artificielles par ensemencement des nuages avec des particules de glace sèche. Cette technique a été développée par l’armée américaine, qui a lancé le programme Cirrus en 1948 et l’opération Popeye (1967-1972) pour augmenter les précipitations au Vietnam afin de gêner les approvisionnements ennemis. Ces pratiques ont été tenues secrètes pendant de nombreuses années, mais des révélations ultérieures ont révélé leur usage militaire. Des documents de la US Navy et de l’US Air Force indiquent que des programmes pour maîtriser le climat continuent d’être étudiés, suggérant un intérêt militaire persistant pour ces techniques, comme le montre un rapport de l’US Air Force de 2002 qui envisage de « maîtriser le climat » d’ici 2025.
-quatrième impact = nvx risques nucléaires, bactériologiques et chimiques apparus au XXème siècle. Les cibles des opérations militaires peuvent concerner des centrales nucléaires, des installations chimiques, gazières et pétrolières. 1999, le complexe pétrochimique de Pancevo en Serbie (à 20km de Belgrade) est bombardé 8 fois par l’aviation de la Coalition provoquant des pollutions au mercure, à la dioxide et à l’amiante. Toutes les centrales nucléaires sont considérées comme stratégiques en raison de la diversité des types de dégradation envisagé : attaque militaire aérienne ou terrestre, action terroriste, attaque numérique.

En somme, l’utilisation de l’environnement en temps de guerre peut conduire à des csq globales majeures si l’ensemble de ces éléments sont considérés simultanément. Entre février 2022 et mars 2023, le ministère de l’environnement ukrainien estime que 2300 dommages environnementaux sont recensés, soit 2.8 millions de zones protégées menacées, 3 millions d’ha de forêt (un tiers) dont 23 000 ha brûlés, risque permanent d’incident nucléaire à Zaporijjia, 42 millions de tonnes de Co2 diffusés dans l’atmosphère (forêts détruites, 680 000 tonnes de carburant brûlées), terres agricoles polluées par les munitions. Et pourtant une convention des NU dédiée à la protection de l’environnement en temps de guerre a été adoptée en 1976.

III. L’environnement, objet de protection dans les conflits armés

A. L’essor de l’idée de protection

Apparaît au moment de la guerre du Vietnam car jamais autant de produits chimiques ni de stratégies exploitant l’environnement comme arme n’avaient été développés à ce niveau. 70’s dénonciation de la stratégie de l’armée américaine des forêts.
Trois événements clés y ont contribué :
1. **1972** : Une conférence à Stockholm sur les conséquences environnementales de l’emploi des agents chimiques pendant la guerre du Vietnam.
2. **1973** : La publication d’un rapport américain sur les méthodes de guerre météorologique, initié par le sénateur Claiborne Pell.
3. **1974-1975** : Des propositions conjointes des États-Unis et de l’URSS sur l’interdiction des techniques modifiant l’environnement à des fins militaires.

B. L’adoption de la convention ENMOD en 1976

Ces événements ont conduit à la déclaration des Nations Unies en 1975 interdisant les techniques ayant des effets durables, préparant ainsi l’adoption de la convention ENMOD en 1976.
Cette convention, ratifiée par 64 États lors de son adoption et par 78 États en 2023, est entrée en vigueur le 5 octobre 1978. Quinze autres États ont signé la convention sans la ratifier.
La convention interdit les techniques entraînant des « dommages étendus, durables ou graves » à l’environnement, avec des termes définissant ces concepts. Par exemple, « étendu » couvre des zones de plusieurs centaines de kilomètres carrés, « durable » se réfère à des dommages sur plusieurs mois ou saisons, et « grave » à des perturbations significatives pour la vie humaine et les ressources naturelles.
Des exemples comme les tremblements de terre, tsunamis, et les modifications climatiques ou océaniques sont cités. Cependant, l’application de ces interdictions reste sujette à interprétation, notamment en ce qui concerne les techniques « tactiques ». En 1977, des précisions sont apportées via le protocole I additionnel aux Conventions de Genève pour protéger les victimes des conflits armés internationaux, notamment à travers les articles 35-3 et 55.
Le protocole I additionnel aux Conventions de Genève, renforcent cette protection en interdisant les attaques contre l’environnement naturel lorsqu’elles compromettent la santé ou la survie de la population. Par exemple, les barrages, les digues, les centrales nucléaires et les installations pétrolières ne doivent pas être attaqués si cela entraîne des dommages graves. Cependant, les critères pour juger ces attaques restent sujets à interprétation, et les protections existantes ne sont pas toujours suffisantes pour prévenir les dégâts environnementaux dans les conflits armés.

C. Une convention qui ne vise pas à réglementer les effets de la guerre

La convention ENMOD, malgré son importance, reste incomplète en raison de ses limites. Elle ne vise pas à réglementer les effets indirects de la guerre sur l’environnement, comme la destruction des infrastructures ou les impacts à long terme sur les écosystèmes. La convention ne s’applique qu’aux États parties, ce qui limite son efficacité dans les conflits impliquant des États non signataires. De plus, elle ne prend pas en compte les espaces extraterritoriaux, comme l’espace ou les océans internationaux. Enfin, certaines techniques de guerre environnementale, comme l’incendie des puits de pétrole ou la destruction massive des forêts, ne sont pas explicitement couvertes par la convention, ce qui laisse des zones grises dans son application. L’emploi des armes de destruction massive (nucléaire, chimique, biologique) ne sont pas mentionnées dans la convention. L’examen de la convention est pourtant envisagé.
Les limites de la convention ENMOD, notamment l’absence de mécanismes de sanction en cas de violation. Elle souligne que l’évaluation des dommages environnementaux et la mise en place de systèmes de compensation sont difficiles, en partie à cause du manque de règles claires et de la complexité d’établir un lien de causalité entre l’acte illicite et le dommage. Ll’Irak après la guerre du Golfe, où un système de compensation a été mis en place pour indemniser le Koweït par le conseil de sécurité.
Il est également mentionné que la Cour pénale internationale (CPI) inclut des dispositions sur l’environnement dans son statut, bien que ces crimes ne puissent être poursuivis qu’après une saisie par la Cour ou le Conseil de sécurité des Nations Unies. La mesure la plus efficace reste l’importance de la communication pour sensibiliser l’opinion publique internationale aux dommages environnementaux causés par les conflits, citant l’exemple de l’Ukraine qui a communiqué sur les coûts de la reconstruction après l’invasion russe. Le terme « écocide » est également évoqué, utilisé pour qualifier les dommages environnementaux majeurs dans les médias et par les autorités ukrainiennes.

Conclusion

Rapport entre l’environnement et conflits armés complexes. Si l’utilisation de l’environnement comme arme remonte à l’Antiquité, l’intérêt pour les questions environnementales dans les stratégies militaires et internationales est devenu plus prononcé avec les préoccupations contemporaines liées au réchauffement climatique et aux menaces sécuritaires. Depuis le milieu des années 2010, cet intérêt s’est intensifié, particulièrement en Occident, avec un focus sur les implications géostratégiques de ces menaces pour les grandes puissances comme les États européens, l’Amérique du Nord, la Chine, et l’Inde.

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