Cette première fiche de lecture porte sur l’introduction du manuel de concours dirigé par Yvette Veyret et Richard Laganier. Les auteurs montrent la question centrale de l’environnement en géographie, en croisant éléments physiques et anthropologiques, sur des territoires où se côtoient de nombreux acteurs. L’introduction présente les corrélations entre environnement et géographie, ainsi que les concepts attenants à cette approche particulière.

Yvette Veyret est une géographique spécialiste de la question de l’approche géographique de l’environnement. Elle a dirigé l’Atlas du développement durable aux éditions Autrement.

Les autres chapitres:

Introduction (Yvette Veyret, Richard Laganier)

Philippe et Geneviève Pinchemel dans leur ouvrage La face de la terre 1998 soulignent que la géographie est “l’ étude de l’écriture des sociétés humaines sur l’interface naturelle de la terre, écriture qui traduit l’action géographique des hommes”, ils distinguent deux aspects dans la démarche géographique française, l’une “la spatialisation ”envisage espacement, distance, pôles, flux à la surface de la planète, l’autre, “l’humanisation” s’intéresse aux ressources, prélèvements, artificialisation de la planète. Cad les relations entre sociétés et nature (envisagée à travers ses composantes : atmosphère et climats, couverts végétaux et plus largement biosphère, reliefs, eau.) pour la géographie, liens = environnement.
Environnement=ce qui entoure. Ce n’est pas un mot spécifiquement géographique. Employé en géographie au début du XXème siècle. Plusieurs géographes l’emploient et proposent une définition : Élisée Reclus, Albert Demangeon, Pierre Georges, Dauphiné.
Pour ce dernier l’environnement est composé “d’éléments qui dans la complexité de leurs relations constituent le cadre, le milieu et les conditions de vie pour l’homme”
=les relations d’interdépendances qui existent entre les sociétés et les composantes physiques et recouvrent les jeux d’acteurs, de pouvoirs, les conflits, marquées du sceau de la culture et de l’histoire.
L’environnement en géographie fondé sur une interface doit être analysé comme tout élément de l’espace, possédant une “profondeur ”spatiale et temporelle analysable à différents niveaux d’échelles quantitatives et qualitatives. L’environnement est un palimpseste, fruit d’une hybridation entre nature et société. Cette conception naît dans la seconde moitié du XXe siècle. Auparavant deux conceptions s’opposent en Europe soit homme soumis à la nature, soit nature soumise à l’homme avec la révolution industrielle.

Les faits environnementaux font intervenir des spécificités physiques dynamiques (écoulements…), d’autres biologiques (forêts…) plus ou moins transformées par les sociétés, des dimensions sociales (usages…) mais aussi des perceptions et des représentations. La représentation du danger est différente selon des facteurs culturels et socio-économiques.
L’environnement a donc une dimension politique. Les questions environnementales soulèvent de nbx problèmes qui nécessitent des traductions (politiques, économiques, juridiques, de gestions). L’environnement est synonyme de complexité. Le raisonnement géographique doit utiliser l’échelle globale et des échelles plus fines pour analyser les environnements. L’analyse des environnements s’inscrit dans des territoires qui ancrent les sociétés à “la matrice de vie” habitée, transformée par des acteurs, des citoyens… Ce qui implique des aspects affectifs, politiques, mais aussi historiques et ce qui justifie des enjeux multiples, des controverses. L’actualité des questions environnementales dans les débats sociaux et politiques fait de la géographie environnementale un outil de réflexion majeur. Mais comme toute science a une part d’incertitude.

Plusieurs entrées pour l’étude de l’environnement global ou des environnements. Soit entrée par analyse des éléments biophysiques, soit par les territoires-acteurs, usages, conflits-. La géographie peut profiter de sa tradition de discipline d’interface pour envisager les questions environnementales, mais dans la plupart des cas, elle doit faire appel à d’autres disciplines. C’est un champ de recherche interdisciplinaire.

I. Environnements et géographie, une histoire complexe

Les rapports nature/sociétés ont tjs représentés un “objet d’étude ”avant même que la discipline utilise le terme environnement. La géographie est adaptée à l’analyse des transformations environnementales car elle peut envisager les changements biophysiques d’origine naturelle ou humaine.

A. L’émergence de l’environnement en géographie

● Une première approche, l’homme et le milieu
Au XIIIème siècle = géographie à dominante naturaliste qui décrit les paysages, classe les végétaux = Alexandre de Humboldt (1769-1859)géologue, climatologue, géographe.

Milieu 19ème siècle les conceptions déterministes naissent avec Friedrich Ratzel (1844-1904). Il insiste sur l’importance du milieu, ici milieu physique sur les spécificités des activités humaines et les modes de vie des sociétés. Ces conceptions vont influencer l’analyse géographique fcse et inspirer la géographie anglophone. Le déterminisme trouve sa justification dans la grande dépendance encore au XIXe siècle des sociétés rurales face aux ressources du “milieu ”physique.
A l’aube du XXème siècle, des géographes français discutent cette notion de déterminisme et introduisent “le possibilisme”, développée par Paul Vidal de la Blache (1845-1918). Dans cette approche, l’homme et les sociétés ont une liberté de choix par rapport aux aspects imposés par la nature grâce aux techniques dont elles disposent.

L’ouvrage de George Perkins Marsh Man and nature, or, physical geography as modified by human action (1864) s’inquiète des csq négatives des évolutions techniques et eco des sociétés humaines en Europe et aux Eu, posant ainsi les fondements de la réflexion environnementale même si ces conceptions seront ignorées dans les décennies suivantes.
Pendant les premières décennies du XXème siècle sous la pression de l’école fcse de géographie et notamment Emmanuel de Martonne, la place de la géographie physique d affirme, découpée en spécialités bien définies, morphologie, climatologue, l’hydrologie, la biogéographie, svt étudiées en soi, de manière distincte.
Il y a une dualité dans la démarche géographique : Emmanuel de Martonne insiste sur la géographie physique comme base de la démarche géographique/ d autres comme Maurice Le Lannou avance que la géographie est avant tout une science humaine.
Exception en 1943, Maximilien Sorre (1880-1962) présente une approche nvlle qui consiste à suivre les actions et réactions entre l’homme et le milieu physique (les fondements biologiques de la géographie humaine)
Mais il faut attendre la 2nde moitié du XXème siècle pour envisager l’environnement dans son acception d’aujourd’hui.

● Le recul de la géographie physique et l’émergence de l’écologie politique
Lors des Trente Glorieuses, lien entre nature et société se distend au profit du volet social. Le milieu physique perd de son importance car la société est capable de dépasser les contraintes liées à la nature. Donc naissance d’une nvlle géographie centrée sur l’étude de l’organisation de l’espace a privilégié l’analyse des distances, des flux, des pôles, des réseaux urbains, des aires d’influence des villes. Au cours du 20eme siècle la géographie française comme anglophone enregistrent le recul de la place de la nature. Dans le même temps, les travaux de géographie physique se spécialisent dans l’analyse des composantes (souvent la morphologie). Fin des 60-70’s, fin des Trente Glorieuses, prise de conscience des dégradations considérables affectant la planète et csq négatives pour les populations directement concernées. Les travaux du Club de Rome (1968), groupe de réflexion prospective qui réunit des scientifiques, des économistes et des hommes d’affaires publié un rapport “halte à la croissance” en 1972 qui envisage un avenir “noir « pour la planète. L’une des principales conclusions indique que “la croissance matérielle perpétuelle conduira tôt ou tard à un effondrement du monde qui nous entoure”. A partir de là, organisation de grandes conférences comme à Stockholm en 1972 qui consacre l’approche mondialisée de l’environnement, un nv mode de dvp est envisagé “l’eco-developpement”mais proposition combattue par les EU. En France apparition de l’écologie politique et implantation d’ONG comme Greenpeace en 1971. Malgré cette prise de conscience, les géographies anglophone et française n’ont pas pu su s’imposer dans le concert des sciences de l’environnement naissant.

● Des précurseurs de l’environnement en géographie
Indépendamment des positions de l’écologie politique naissante, certains géographes ont réenvisage les rapports nature/société sans forcément rejeter la “nouvelle géographie” et de ses bases théoriques. Deux nvlles approches voient le jour sous l’impulsion de géographes physiciens.
-Georges Bertrand (né en 1935) biogéographe. Il définit le concept de “géosystème” analyse globale du milieu intégrant outre des aspects physiques, des éléments biologiques et des aspects sociaux. Il est novateur en affirmant que la nature doit être saisie au cœur du social. C’est une rupture majeure avec la géographie traditionnelle
-Jean Tricard (1920-2003) morphologie. Défend et pratique “l’éco-géographie” dans l’ouvrage paru en 1979 l’Ecogéographie et l’aménagement du milieu naturel, celle-ci est envisagée dans le cadre de “géo-écosystèmes”ou “d’écosystèmes”.
Pour ces auteurs, l’homme et la société sont des agents décisifs de “l’écodynamique”, les structures économiques et sociales influent fortement sur les modalités des modifications impulsées aux “géo-écosystèmes”. Il est donc nécessaire d’établir des limites de tolérances, des seuils à ne pas dépasser dans l’usage de ces systèmes, seuils valables à un moment donné de l’histoire des sociétés. Dans les 80’s qqs géographes physiciens commencent à envisager des approches systémiques en géographie : travaux de Jean Pierre Marchand en 1980 sur les climats, ceux de Jean-Paul Bravard sur l’hydrologie. Mais les approches environnementales ont mûri tardivement en géographie française et anglophone.

B. L’environnement aujourd’hui en géographie, les approches critiques

L’analyse de l’environnement à l’échelle planétaire révélatrice de dysfonctionnement a incite plusieurs auteurs de proposer une nvlle ère géologique l anthropocène. L’ampleur des changements d’origine anthropique peut justifier que l’on emploie ce terme d anthropocène pour insister sur la pression jusqu’ ici inédite des sociétés sur la planète bien que l’on s écarte de la def. De l’ère géologique établie par les géologues. Néanmoins tous les espaces à la surface de la planète ne sont pas affectées de la même manière par des pressions anthropiques inégales ou inégalement marquées en fonction des spécificités du milieu ou de la société d’où l’importance d’envisager des environnements à des échelles plus fines. L’approche environnementale en géographie doit répondre à de telles situations selon deux approches, l’une conceptuelle, l’autre opérationnelle ce qui interroge le positionnement du chercheur (neutralité, engagement…)

● Géographie et environnement radicaux et critiques

Les approches critiques en géographie sont apparues dans les 80’s dans le monde anglophone, tandis qu’en France géographie radicale et critique émergent de manière concomitante dans les 1990 et 2000’s. Selon le géographe canadien Rodolphe de Koninck, la géographie critique est d’abord une démarche, un point de vue et pas un champ de connaissance. Comme la géographie radicale, la géographie critique a en effet pour ambition de participer à transformer le monde qu’elle décrit. Plus large dans ses approches et dans les objets considérés que la géographie radicale, éloignée du marxisme mais en intégrant d’autres mouvements (féministe, post-coloniaux). Cette géographie radicale et critique est devenue dominante au sein de la géographie humaine anglophone dans les années 90. Cécile Gintrac souligne que “le dvpt d’une géographie critique peut donc se penser dans le cadre global d’une “pluralisation des voies de la critique” Gintrac, 2022. La géographie critique interroge les approches environnementales par le biais de la “géographie physique critique ”qui recouvre largement les problématiques environnementales. Selon Rebecca Lave et al, il s’agit d’une étude des processus biophysiques conduite en relation avec une analyse critique des spécificités sociales associées à ces processus. Cette approche prend en compte les enjeux socio-politiques, les enjeux de pouvoir afin de mettre en évidence et dénoncer les formes d’inégalités sociales à partir d’analyses aussi bien de géographie physique que de géographie humaine critique (Lave 2015,2018). La géographie critique pensée par les géographes français se différencient de la géographie critique anglophone car elle accorde au terrain de l’importance et se méfie des théories trop globalisantes, et est prudente par rapport à l’engagement politique.

● Environnement et political ecology
-analyse”political ecology” selon les travaux de Christian A. Kill et Simon P. J. Batterbury 2016
-origine travaux des géographes anglais milieu du XXème siècle qui travaillent sur des thématiques environnementales notamment la question des risques. Ont contribué à l’élaboration et à la mise en œuvre des mesures de lutte contre les risques d’inondation. Les géographes ont alors des places dans les institutions publiques et privées à toutes les échelles.
-apparition dans les 80’s de la “political ecology”, croisement entre des approches critiques (svt marxistes) et écologie.
-ouvrage de géographie fondateur de ce courant, Land Dégradation and Society par Piers Blaikie et Harold Brookfield
-elle examine de façon critique les modes de contrôle et d’accès aux ressources naturelles et leurs csq pour la durabilité environnementale et sociale. La volonté de contrôler et gérer les ressources naturelles peut engendrer des conflits environnementaux.
-les premiers travaux portent sur l’usage des terres en milieu rural dans les pays en dvpt.
-90’s intérêt sur les discours et façons de penser, aspects culturels dans les rapports de pouvoirs et les actions liées à ceux-ci. Assez fidèle au marxisme. Déconstruit idées reçues en matière d’environnement-ex les thèses alarmiste sur la désertification peuvent être fondées sur des vérités déformées pour incriminer certains groupes de ruraux marginalisés. (Blaikie et Muldavin, 2004)
-2000 « political ecology » se diversifie. Critique de la globalisation et des stratégies néolibérales de la croissance.
-division des géographes français sur l’approche “political ecology« . Les travaux anglophones évoqués ont eu peu d’échos dans la géographie environnementale française.
En géographie, les postures épistémologiques de l’environnement ne sont pas stabilisées et ne font pas consensus. L’étude des dynamiques des territoires peut relever d’approches critiques qui rejoignent celles de Political ecology = analyse des processus de changement à plusieurs échelles, la mesure des dynamiques environnementales et les rapports de pouvoir qui les sous-tendent. La territorialisation de l’environnement renvoie à des territoires marqués par de fortes inégalités environnementales.
-Inégalité environnementale notion apparue dans les années 80 aux Eu en lien avec le mvt pour la justice environnementale qui dénonce les discriminations raciales, socio-économiques, environnementales. Ex en 1991, “17 principes de la Justice Environnementale ”ont été approuvés, destinés à redéfinir la politique environnementale où dans les espaces les moins adaptés (inondables…) s’installent les pop. Les + pauvres. Dans ce fil, naissance à Nanterre d’un courant novateur de la géographie environnementale qui relève de la justice environnementale nécessaire dans un contexte de crises environnementales multiformes.
-géographie environnementale française diverse.

II. Notions clés en environnement, géosystème et/ou écosystème

A. Le géosystème

Etude d’une combinaison dynamique d’éléments biotiques, abiotiques et anthropiques associés à un territoire qui peut être vaste. Notion envisagée par le géographe Georges Bertrand dans les 70’s à la suite des travaux de géographes soviétiques. 2002, Georges Bertrand réaffirme la nécessité d’enraciner l’environnement dans le territoire et histoire longue des sociétés. Environnement caractérisé par des chronoséquences (successions temporelles correspondant à des entités fonctionnelles sur un espace donné). Spatiosysteme : organisation dans un espace de toutes les unités fonctionnelles affectées par une même chronoséquence. Cette approche a permis des études à échelle régionale en croisant des analyses localisées et une approche plus globale. Il intègre des temporalités différentes.

Ce concept considéré par certains géographes comme trop biophysique a été remplacé par celui d anthroposystème : “système interactif entre deux ensembles constitués par un ou des sociosystèmes et un ou des écosystèmes naturels ou artificialisés s’inscrivant dans un espace géographique donné et évoluant avec le temps.”(Mullart,Vivien,Villalba,Burnouf, 2003). Concept peu accepté à cause de la place importante accordée à la société.
Le terme géosystème n ‘ a pas réussi une grande percée dans les différentes disciplines qui traitent d’environnement y compris la géographie.

B. L’écosystème

Produit par L’écologie scientifique, l’écosystème est un outil d’ analyse, que Arthur G. Tansley a été inventé en 1935, popularisé par les frères Odum. “L’écosystème constitue la + grande unité fonctionnelle en écologie, puisqu’il inclut à la fois les organismes vivants et l’ environnement abiotique (cad non vivant), chacun influençant les priorités de l’ autre, et les 2 sont nécessaires au maintien de la vie telle qu’ elle existe sur terre.” Il renvoie à des milieux homogènes (mare, bosquet) mais peut désigner la planète dans sa totalité.
-Critiques : l’ordre de la nature est préétabli. On se rapproche des analyses déterministes et fixistes des géographes du XIXe siècle. Selon l’écologue Raphaël Larrère, l’écologie scientifique exclut , homme considéré comme un intrus dans la nature.
Fin du XXème siècle, l’écologie scientifique évolue fortement et intègre les perturbations, notamment celle venant de l’action humaine. Mais le terme reste difficilement définissable = mot valise. Ce terme justifie la notion de services écosystémiques, sous impulsion des naturalistes engagés des 60-70’s = “avantages que les humains tirent des écosystèmes et qui contribuent à rendre la vie humaine à la fois possible et digne d’être vécue”( biens produits, culturels…). On préfère aujourd’hui le terme de “contributions de la nature aux humains”.

En géographie environnementale, les termes de géosystème et écosystèmes sont employés sans distinction, mais le dernier est plus usité même si sa définition reste floue. C’est la faiblesse de l’ analyse géographique de l’ environnement.

III. L’environnement à différentes échelles

A. Temporalités et environnements

● Des conceptions du temps variées dans les sciences de la terre, en géographie et environnement
Les différentes temporalités (écologiques, économiques, sociales, politiques, etc.) influencent les questions environnementales, en tenant compte des aspects historiques et des interactions humaines.

Les conceptions du temps en sciences de la terre ont évolué, avec l’introduction de la notion de temps cyclique par James Hutton (1766-1855). Hutton a développé une analyse cyclique du fonctionnement de la Terre, où les processus naturels se déroulent en trois phases. Sa vision contrastait avec la théorie du catastrophisme prédominante à l’époque, qui voyait l’histoire de la Terre comme une succession de crises brutales. Charles Lyell (1797-1875) a ensuite popularisé les idées de Hutton, insistant sur la régularité des processus géologiques et rejetant les explications basées sur des événements cataclysmiques.
William M. Davis et Henri Baulig ont développé la conception du cycle d’érosion. Charles Lyell avait également observé que les marques d’anciennes convulsions terrestres témoignent de bouleversements cataclysmiques.

Au cours du XXème siècle, de nouvelles approches ont émergé, focalisées sur les systèmes et les interactions entre leurs composants. Par exemple, l’évolution d’un système érosif est décrite comme discontinue, alternant entre stabilité et instabilité. Les événements climatiques extrêmes, comme les pluies exceptionnelles de 1940 en Roussillon, illustrent ces dynamiques sans provoquer de changements à long terme.

La géographie environnementale moderne privilégie une vision de discontinuité et de ruptures plutôt que de permanence et régularité. Les changements climatiques et leurs effets sur les processus d’érosion, les couverts végétaux et les géo-écosystèmes sont soulignés. Les impacts de ces changements peuvent être décalés, comme les effets différés des activités anthropiques sur les systèmes montagnards et les vallées alpines.

Ex les effets de la torrentialité du XVIIIe et XIXème siècles dans les massifs montagneux français se lisent de manière décalée par rapport au début du PAG et au rôle de l’anthropisation qui les a induits.
Dans les agrosystèmes, l’accélération de la morphogenèse est due à la concordance et le renforcement mutuel d’une “crise climatique et d’ une crise agraire (mutation des systèmes agraires).

Importance des temporalités multiples dans l’étude des environnements et des géosystèmes, en soulignant les interactions complexes entre les facteurs naturels et humains. Il est difficile de séparer ces facteurs tant ils sont interdépendants. Le concept de temps hybride de George Bertrand est mentionné pour illustrer cette interconnexion.

Aujourd’hui à propos des questions environnementales sentiment d’un temps accéléré et l’importance croissante de l’instantanéité dans la perception environnementale. Le géographe Edward Soja est cité pour son idée du « jeu d’instantanéité », tandis que Denise Pumain souligne la nécessité d’envisager les conséquences des changements environnementaux à long terme, en permettant “l’exploration d’une diversité des futurs possibles” (Pumain 2002). Avec le changement climatique actuel et ses manifestations rapides imposent de se projeter dans le futur pour favoriser adaptation des sociétés.
Le temps s envisage comme une catégorie construite en fonction des sociétés, de leur histoire. En environnement il faut considérer une tresse de temps : celle des temps enchevêtrés ou hybrides qui diffère d’un espace à l’ autre.

L’approche de François Durand-Dastès est utilisée pour formaliser les systèmes environnementaux à travers la flèche du temps, en distinguant les temporalités des différentes composantes d’un système. Par exemple, un géosystème de type bassin-versant intègre diverses temporalités : le temps de la source, le temps des précipitations, les rythmes hydrologiques, le temps du social et de l’économie, etc.
– l’importance de considérer les temporalités naturelles et sociales dans l’analyse des environnements, soulignant que le temps de ces systèmes est souvent un temps hybride. Les spécificités locales et les conditions mésologiques influencent le développement des écosystèmes, comme le montre l’exemple des forêts de conifères et leur gestion sylvicole.

● Les temps de l’anthropisation : les impacts anthropiques sur les milieux naturels à travers le temps
-focus particulier sur la préhistoire et l’invention de l’agriculture. Initialement, les impacts humains étaient limités, les chasseurs-cueilleurs nécessitant de vastes territoires pour subsister. Les premières actions anthropiques concernaient principalement la faune, et plus tard, les changements dans la végétation à travers l’agriculture.

L’invention de l’agriculture marque un tournant significatif, bien que relativement bref par rapport à l’histoire géologique de la Terre, ces transformations ont des effets durables sur les écosystèmes. Les études pédo-sédimentaires et archéologiques permettent de comprendre comment les sociétés passées ont influencé et été influencées par leur environnement, en révélant des traces de cette interaction dans le paysage actuel.

Pour gérer les risques environnementaux actuels et futurs, il est essentiel de comprendre ces dynamiques historiques. Cela inclut l’analyse des archives naturelles et humaines pour établir des modèles de retour des événements climatiques extrêmes et d’autres processus naturels. Cependant, les données historiques sont souvent incomplètes ou imprécises, rendant cette tâche complexe.
Il ne faut pas juxtaposer des périodisations naturelles et/ou sociales mais les envisager en une commune rythmicité. Ces temps sont loin d’être identiques. Ces dissonances entre temporalités sont responsables de conflits entre acteurs.

● Un temps zéro de référence ?

– l’idée d’un « temps zéro » de référence dans la nature, c’est-à-dire un état idéal ou initial d’un écosystème que l’on pourrait chercher à retrouver. Cette notion est illusoire et non réaliste. En effet, les écosystèmes et les géosystèmes sont en constante évolution en raison de modifications naturelles et anthropiques. La flèche du temps est irréversible, les conditions environnementales ne peuvent jamais être recréées à l’identique.
Chaque élément de l’écosystème évolue continuellement sous l’influence de facteurs naturels (comme les variations énergétiques du soleil, les bilans hydriques) et anthropiques. Retrouver une forêt « naturelle » ou un écosystème à un état antérieur est donc impossible. À l’échelle humaine, la nature peut être comparée à un décor de théâtre fixe où évolueraient les hommes et les sociétés, une vision critiquée pour son manque de réalisme.
Fernand Braudel et l’écologie scientifique jusqu’à la fin du XXème siècle ont cette analyse fixiste. Aujourd’hui l’analyse des géosystèmes et écosystèmes inclut les perturbations. Il est impossible de définir un point zéro, car même avant l’influence humaine, les conditions climatiques et géologiques étaient différentes. Et les impacts humains récents peuvent avoir des csq rapides comme la Politique Agricole Commune en Europe, qui ont entraîné des transformations rapides des paysages agricoles (généralisation de la grande culture, remembrement…) Ces changements ont des conséquences significatives sur l’érosion des sols et la gestion de l’eau, illustrant la complexité et l’irréversibilité des interactions entre les sociétés humaines et les environnements naturels.
Il y a une complexité de la restauration environnementale qui met en lumière les défis associés à l’identification d’un « point zéro » ou d’un état de référence idéal pour les écosystèmes. Choisir un instant t pour restaurer un environnement nécessite de comparer la situation actuelle avec celle du passé, ce qui peut s’avérer problématique si les deux périodes sont trop éloignées dans le temps. De + tendance à idéaliser le passé et à sous-estimer les dégradations récentes. En revanche, un environnement très dégradé à un instant T, par exemple après une déforestation ou un incendie, peut sembler acceptable si la végétation a commencé à se régénérer, malgré une forte érosion.
Les approches environnementales actuelles se concentrent souvent sur des phénomènes violents et immédiats, comme des tempêtes littorales ou des pluies torrentielles, en les considérant comme des événements de référence. Cependant, cette perspective néglige l’importance des événements passés qui ont pu se produire avec la même intensité mais dont les traces sont moins visibles aujourd’hui.
L’échelle humaine de temps est trop courte pour apprécier pleinement les impacts des événements passés, dont les effets peuvent se manifester à long terme. Les effets indirects ou en cascade d’un événement peuvent durer bien plus longtemps que l’événement lui-même, comme dans le cas de la pollution des sols ou de la contamination nucléaire.

● Réversibilité et d’irréversibilité
En lien avec les ressources environnementales. Certaines ressources, comme l’eau et la végétation, peuvent se renouveler après usage ou destruction, mais souvent sur des périodes très longues qui dépassent les échelles de temps des sociétés humaines. Par exemple, la reconstitution des nappes phréatiques ou des sols érodés peut prendre plusieurs siècles. À l’inverse, des ressources comme les énergies fossiles, formées sur des millions d’années, ne sont pas renouvelables à l’échelle humaine. La réflexion sur ces notions est essentielle pour le développement durable et figure dans des discussions internationales depuis les années 1980, comme lors des conférences de Bergen en 1990 et de Rio en 1992.
Qu’entend-on par l’irréversibilité ? Est-elle définitive ? Combien de temps dure t-elle ? Notion différente si elle concerne déchets nucléaires ou paysage dégradé. Ce qui est considéré comme irréversible à un moment donné peut être réparé à l’échelle de plusieurs générations, grâce aux connaissances, techniques et financements appropriés. Cependant, certaines pratiques entraînent des irréversibilités définitives, comme la disparition d’espèces et de leurs niches écologiques. L’irréversibilité dépend de seuils contextuels sociaux, économiques et techniques. Il est crucial de définir ces seuils et de comprendre les processus pour évaluer la réversibilité ou non des dégradations. Une analyse approfondie est nécessaire pour éviter des conclusions hâtives et catastrophiques. La réversibilité/irréversibilité s’inscrit dans une approche patrimoniale, visant à préserver les ressources pour les générations futures.
Pour conclure, il faut distinguer différentes temporalités environnementales : les temps géologiques, les temporalités historiques des sociétés, et celles du présent et du futur pour la durabilité des systèmes sociaux et naturels.

B. Les dimensions spatiales de l’environnement, territoires, conflits

● L’emboîtement des échelles spatiales
Une perturbation ponctuelle mais localement importante peut avoir des effets insignifiants à l’échelle régionale. Ex : l’impact de la culture itinérante sur brûlis, souvent critiquée pour ses effets négatifs sur l’environnement, notamment la déforestation des forêts tropicales. Les auteurs, Serge Bahuchet et Jean-Marie Betsch, soulignent que la vision des scientifiques et des gestionnaires de l’aménagement sur ce type d’agriculture est biaisée, fondée sur des idées reçues plutôt que sur une analyse contextuelle précise. Ils insistent sur l’importance de considérer les réalités locales et les savoir-faire des populations rurales avant de tirer des conclusions ou de proposer des solutions.
Le réchauffement climatique se lit à différentes échelles spatiales. Elle cite l’ONERC et les études de Claude Kergomard, qui montrent une augmentation globale de la température d’environ 0,8 °C en 120 ans. Cependant, cette hausse varie selon les régions et les périodes. Par exemple, l’Atlantique nord-oriental a connu une baisse des températures entre les années 1940 et 1960, suivie d’une hausse. De plus, la Sibérie a enregistré des températures récentes inférieures à celles des années 1930-1940. La page souligne l’importance de considérer ces différences régionales pour trouver des solutions adaptées au réchauffement climatique.
Ex de la pollution atmosphérique et aquatique, en particulier la manière dont elle peut se propager sur de vastes distances, souvent au-delà des frontières nationales, comme ce fut le cas avec la catastrophe de Tchernobyl en 1986. Exemple de la pollution du Rhin en 1986, causée par un incendie dans un entrepôt de produits chimiques à Bâle, qui a entraîné une contamination significative des eaux. Pour gérer de telles crises environnementales, il est crucial d’adopter une approche coordonnée à l’échelle des bassins versants, impliquant de multiples institutions et acteurs, afin d’assurer une gestion cohérente et efficace des RISQUES. Les emboîtements d’échelle en environnement sont nécessaires pour donner de la cohérence aux choix de gestion, aux modalités d’aménagement. Ex des schémas régionaux de cohérence écologique SRCE ou plans locaux d’urbanisme.
L’environnement est svt envisagé dans l’espace proche, le lieu où l’on réside. À l’autre bout de la chaîne, c’est le gobal (la planète) qui est l’objet d’un constat de situation de crise. Le mot d’ordre du développement durable “penser globalement, agir localement “insiste sur ces deux échelles. Mais svt chaque territoire s’occupe de ses problèmes en les délocalisant vers l’extérieur. “Stratégie du passager clandestin”ou dilemme du glocal” (Broadhag 2003)”. Inversement la mise en œuvre des grands principes valables à l’échelle globale nécessite des adaptations et des nuances pour être appliquées à l’échelle locale qui ne sont tjs pas à la hauteur des attentes.

● Territoires et environnement
Le territoire est un point fédérateur pour une étude environnementale car la géographie environnementale s’intéresse aux dynamiques des territoires, en considérant l’interaction en considérant les interactions entre les acteurs et avec l’espace qu’il pratique, gère, habite point l’analyse du territoire sous l’angle environnemental justifie donc une analyse politique des enjeux, du pouvoir et des luttes pour ce dernier. Le territoire est un espace politique où prennent racine des conflits. L’environnement caractéristique d’un territoire ne peut se concevoir comme un isolat mais par ses relations avec les territoires proches. Travailler sur le territoire permet d’envisager les habitants et les différents acteurs, ce qui sous-tend les dimensions affectives communautaire et politique du rapport à l’environnement. À l’échelle locale le territoire et tributaire du mésosystème c’est-à-dire une forme organisationnelle déployée à l’échelon national ou international (Gilly, Pecqueur, 1995) c’est-à-dire les environnements sont reliés à différentes échelles complémentaires voire en conflit.

● Controverses, conflits, acteurs
L’un des aspects fondamentaux des situations de gestion de l’environnement relève de la controverse et du conflit. Il y a de nombreuses controverses avec de multiples acteurs et de nombreux enjeux liés à l’affirmation croissante de la conscience environnementale dans la sphère publique. Les controverses concernent l’ensemble des questions environnementales (gestion de l’eau, pollution…). Ces conflits environnementaux sont souvent des conflits contre un projet et une décision. Ils sont multiples par exemple en France ils sont liés aux usages des sols ou de l’eau. Ces conflits sont révélateurs des mutations liées à des usages différents du territoire ils traduisent des oppositions entre différents intérêts surtout économiques et de protection. Pour aboutir à un consensus il faut donc une analyse fine et une concertation entre tous les acteurs mais qui ne sont pas forcément égaux. On peut distinguer différents types de conflits : des conflits d’environnement c’est-à-dire qui proviennent d’un équipement responsable de pollution par exemple le rejet de produits polluants dans un cours d’eau ou des nuisances liées au bruit des aéroports. Il y a des conflits d’aménagement qui renvoient aussi aux questions environnementales, ils accompagnent l’élaboration et la réalisation de projet. Ces conflits se situent en amont des PROJETS. La légitimité de ces projets est souvent questionnée par les opposants : logique environnementale s’oppose aux logiques économiques politique et culturelle. Exemple : dans les années 1960 au Pays-Bas mise en place du plan Delta, il y a une opposition face à la construction du dernier barrage destiné à fermer l’estuaire de l’Escaut oriental. Cette opposition vient des PÊCHEURS, d’écologistes et d’associations environnementales qui craignent la diminution des populations de poissons et la dégradation rapide des eaux estuariennes. Un barrage amovible à donc été mis en place pour conserver le jeu des marais hors inondation (Gueben-Veniere, 2015).
Il y a d’autres sources de tension : l’imposition des mesures de protection au niveau international sont vues par les pays comme des atteintes à leur souveraineté. Au niveau des ÉTATS, il y a des critiques notamment lorsqu’il y a des déplacements de population au nom de la protection de la nature ou la gestion des catastrophes naturelles comme ce fut le cas en 1999 au Venezuela après la grande inondation. Les projets de la Banque mondiale sont aussi critiqués car ils ont des conséquences environnementales désastreuses exemple la construction du barrage Sardar Sarovar en Inde qui a entraîné des déplacements de population. Enfin la mise en place d’aires de protection a renforcé l’exclusion des populations locales autochtones (Amérique Australie etc)
À une échelle plus locale les conflits d’usage autour des espaces protégés sont une constante qui est liée à la nature coercitive de ces structures spatiales. Samuel Depraz distingue trois grands types de protection : une protection réglementaire établi sur la contrainte légale exercée à l’encontre des propriétaires et des usagers des terrains soumis à la protection ; une protection directe par maîtrise foncière, une protection contractuelle plus souple qui fixe des objectifs négociés accompagné d’incitation financière et ou fiscale. Ces mesures sont sources de controverse et de conflits. L’acceptation sociale des structures de protection est souvent limitée. En Europe centrale l’essentiel des systèmes de protection est la contrainte réglementaire (réserve naturelle, site classé) exemple le parc national du Kiskunsag (Hongrie centrale) créé en 1975 a vu des tensions à partir des années 90 autour de la question de l’eau. Les responsables du parc voulaient maintenir des niveaux d’eau important pour permettre la nidification des oiseaux aquatiques car ce parc est riche en zone humide et favorise donc la biodiversité. Les agriculteurs riverains voulaient eux utiliser l’eau pour l’irrigation. Les territoires de protection sont souvent des lieux de conflit autour d’enjeux tels que le tourisme, l’agriculture, les transports propres au contexte géographique au système d’acteurs local. C’est ce que Samuel Depraz définit comme une pierre d’achoppement du projet de protection, dans la source provient principalement d’une opposition entre local et global. La dimension environnementale d’un conflit d’usage se lit quand sont associés perturbation des pratiques spatiales et du milieu biophysique (Dupret 2007). Anne Cadoret parle de conflit d’usage lié à l’environnement ou à dimension environnementale qui se caractérise par la multiplicité des opposants et de leurs interactions, les représentations multiples de l’environnement, l’inégalité de pouvoir des protagonistes, la formation et la transformation des réseaux d’acteurs”. Les conflits d’usage en environnement ont donc un caractère systémique.
L’appropriation des enjeux environnementaux par les acteurs locaux nécessitent donc une démarche d’intégration de multiples facteurs (économiques, sociaux culturels) une nouvelle gouvernance qui implique davantage les parties prenantes, une modification des comportements individuels et un impératif de sobriété pour assurer la durabilité de l’économie locale. Elle demande une communication coordonnée entre les différents acteurs, entre les différents territoires. Il est aussi nécessaire de répondre et de simplifier l’information pour la rendre appropriable par tous. Il faut aussi garantir aux participants un retour sur leur participation et enfin il faut évaluer les actions mises en œuvre et adopter un processus d’amélioration continu de la gestion environnementale.

Conclusion

La géographie de l’environnement ou géographie environnementale et présente aujourd’hui dans tous les travaux portant sur l’aménagement. Elle permet d’intégrer un certain nombre de difficultés d’analyse qui tiennent à la nature d’interface de l’environnement : difficultés pour faire la part des fluctuations naturelles et entropique, difficulté d’établir des scénarios difficultés liées à la multitude des échelles spatio-temporelles et difficultés liées à la nécessité de travailler en interdisciplinarité.